Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/428

Cette page n’a pas encore été corrigée

bienfait, par cette patience, qui permettait au coupable de s’obstiner dans le mal tant qu’il se voyait épargné : c’est ainsi que tous les cœurs dépravés s’endurcissent par un abus déplorable de la patience de Dieu.
XXXVIII. (Ib. 10, 21-22.) Puissance de Moïse.
– Quand il s’agit de produire les ténèbres, c’est pour la troisième fois qu’il est dit à Moïse « Étends ta main vers le ciel. » Or jamais Aaron son frère, n’a reçu un ordre semblable. Lorsque Dieu dit à Moïse : « Étends ta main sur la terre d’Égypte, et que les sauterelles se répandent sur la terre » ces paroles me donnent à entendre que celui qui peut davantage peut moins ; mais il ne s’ensuit pas pour cela que celui qui peut moins, puisse davantage.


XXXIX. (Ib. 11, 2.) Sur l’emprunt des vases et des habits fait par les Hébreux aux Égyptiens.
– Dieu dit à Moïse : « Parle donc en secret au peuple, et que chacun demande à son voisin, et chaque femme à sa voisine, des vases d’or et d’argent, et des habits. » Que personne ne songe à s’autoriser de cet exemple pour dépouiller son prochain de la même manière. Car cet ordre émanait de Dieu, qui savait la part de souffrance qui revenait à chacun : les Israélites ne se sont pas non plus rendus coupables de vol, mais ils se sont prêtés aux ordres de Dieu. C’est ainsi que le bourreau, lorsqu’il exécute un homme condamné à mort parla sentence du juge, se rend coupable d’homicide, s’il agit spontanément et sans ordre, quand même il saurait que l’homme à qui il donne la mort était irrévocablement condamné par le juge. Il y a encore une autre question de quelque importance : Si les Hébreux habitaient séparément le pays de Gessen, où ne se produisaient point les plaies qui affligeaient le royaume de Pharaon, comment put-il se faire que chacun demandât à son voisin ou à sa voisine de l’or, de l’argent et des vêtements ; surtout si l’on considère que cet ordre est donné la première fois à Moïse dans les termes suivants : « Que la femme demande à sa voisine et à sa con-chambrière ou à celle qui habite sous le même toit ? » On doit comprendre par là que les Hébreux n’étaient pas les seuls habitants du pays de Gessen, mais qu’un certain nombre d’Egyptiens y demeuraient avec eux ; ceux-ci, favorisés des bienfaits de Dieu départis à cette contrée, s’attachèrent aux Hébreux par reconnaissance et leur prêtèrent facilement ce qu’ils demandaient ; cependant Dieu ne les jugea pas assez étrangers aux injustices et aux persécutions dont son peuple avait été victime pour leur épargner encore ce dommage après les avoir préservés des plaies qui affligeaient l’Égypte, mais n’atteignaient pas ce pays.
XL. (Ib. 11, 9.) Dieu se sert de la malice de Pharaon.
– « Or, le Seigneur dit à Moïse : Pharaon ne t’écoutera pas, afin que je multiplie mes signes et mes prodiges dans la terre d’Égypte. » On dirait que Dieu avait besoin de la désobéissance de Pharaon, pour multiplier ces mêmes prodiges, qui avaient d’ailleurs leurs utiles résultats : ils inspiraient de la terreur au peuple de Dieu et le formaient à la piété par un sage discernement, Mais c’était là l’œuvre de Dieu, qui faisait servir au bien la malice de ce cœur coupable, plutôt que l’œuvre de Pharaon, qui abusait de la patience de Dieu.


XLI. (Ib. 12, 10-46.) Que restait-il à brûler de l’agneau pascal ?
– « S’il en reste quelque chose le matin, vous le brûlerez au feu. » On peut demander comment il restera quelque chose, puisque l’ordre est donné de prendre avec soi des voisins, si la maison ne contient pas un nombre suffisant de personnes pour manger l’agneau. Mais comme il a été dit : « Vous ne briserez pas ses os » les os certainement étaient de reste, et le feu devait les consumer.
XLII. (Ib. 12, 5.) Sur l’agneau pascal.
— « Vous prendrez un agneau parfait, mâle et âgé d’un an. » Cette expression, agnus masculus, comme si un agneau pouvait n’être pas mâle, peut embarrasser celui qui ignore la raison impérieuse de cette traduction. Il a fallu traduire par ovis, brebis, parce que le grec porte πρόβατον; mais πρόβατον, en grec, est du neutre, et tout ce qui suit s’accorde en genre avec ce mot ; c’est comme si on disait : Pecus perfectum, masculum, anniculum erit vobis. On peut dire en latin : masculum pecus, comme on dit : mascula thura, au neutre ; mais on ne pourrait pas dire : ovis masculus, une brebis mâle, parce que ovis, brebis, est du genre féminin. Si on disait une brebis mâle, ce serait une grande absurdité. Et si l’on se servait du mot pecus, le sens serait encore altéré, et l’on ferait disparaître le sens mystérieux de l’Écriture, qui, après avoir parlé de la brebis, ajoute : « Vous la prendrez parmi les agneaux et les chevreaux. » C’est avec raison que l’on voit le Christ désigné dans ce passage. Qu’était-il nécessaire en effet d’avertir qu’il fallait prendre la brebis ou l’agneau parmi les