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se sauvent, gagnés parla bonne odeur du Christ, meurent, ainsi que nous l’avons dit souvent, à cette disposition de l’âme qui doit faire place en eux à une volonté bonne inspirée par la grâce divine ; ils commencent alors à profiter des jugements de Dieu, qui font le malheur des cœurs dépravés. De là cette hymne sortie d’un cœur heureusement transformé : « Mon âme vivra et vous louera ; et vos jugements me soutiendront »[1]. Il ne dit pas : Vos bienfaits, ou Vos récompenses, mais vos jugements. Or c’est beaucoup de pouvoir dire avec une sincère confiance : « Éprouvez-moi, Seigneur, attentez-moi ; brûlez mes reins et mon cœur. » Et dans la crainte de paraître attribuer à ses forces quoi que ce soit, il se hâte d’ajouter : « Car votre miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans votre vérité[2]. » Il rappelle la miséricorde dont il a été l’objet, et qui l’a aidé à se conduire selon la vérité : c’est que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[3]. »
XXV. (Ib. 8, 19.) Les magiciens ne peuvent produire des moucherons : pourquoi ?
– Lorsque les magiciens dirent à Pharaon : « Le doigt de « Dieu est ici » réduits qu’ils étaient à l’impossibilité de produire des moucherons ; ils pensèrent assurément, tant ils connaissaient la puissance de leurs coupables artifices, que leurs efforts pour produire des moucherons avaient été rendus inutiles, non par un art semblable au leur, en ce sens que Moïse s’y serait montré supérieur à eux, mais par le doigt de Dieu, qui agissait en la personne de Moïse. Or, par le doigt de Dieu, on entend le Saint-Esprit, suivant le langage très-net de l’Évangile. Car, tandis qu’un Évangéliste fait dire au Seigneur : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu[4] » un autre Évangéliste, rapportant le même fait et voulant expliquer ce que c’est que le doigt de Dieu, se sert de ces expressions : « Si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu[5]. » Bien que les magiciens, dont le pouvoir inspirait une extrême confiance à Pharaon, aient avoué alors que le doigt de Dieu était sur Moïse, par qui ils avaient été vaincus et réduits à l’impuissance, néanmoins le cœur de Pharaon s’endurcit d’une manière tout à fait étonnante. Mais pourquoi la défaite des magiciens à cette troisième plaie ?car les plaies commencèrent lorsque l’eau fut changée en sang. 2 est difficile de s’en rendre compte et d’en donner l’explication. Car ils pouvaient être frappés d’impuissance dès le premier prodige, celui du changement de la verge en serpent, et à la première plaie, lorsque l’eau fut changée en sang ; et à la seconde, celle des grenouilles, si le doigt de Dieu, c’est-à-dire, l’Esprit de Dieu, l’avait voulu. Quel est en effet l’homme assez insensé pour dire que le doigt de Dieu put arrêter les efforts des magiciens à ce prodige, et qu’il en fut incapable à ceux qui précédèrent ? Il y a donc certainement une raison pour laquelle ils ont eu la liberté d’opérer jusque-là des choses merveilleuses. Peut-être ceci a-t-il rapport à la Trinité : il est certain, et cela résulte de l’examen de leurs écrits, que les plus grands philosophes de la gentilité n’on point connu le Saint-Esprit, quoiqu’ils aient parlé du Père et du Fils : on trouve aussi cette remarque dans l’ouvrage de Didyme sur le Saint-Esprit[6].
XXVI. (Ib. 8, 21-23.) Les plaies d’Égypte ne s’étendaient pas sur la terre de Gessen.
– « Voici que j’envoie des mouches contre toi, contre tes serviteurs et contre ton peuple, et les maisons des Égyptiens en seront remplies ; afin que tu saches que je suis le Seigneur Dieu de toute la terre et je mettrai une séparation entre mon peuple et ton peuple. » Ce que l’Écriture observe ici, pour ne pas le répéter constamment, il faut le comprendre, s’est produit dans les miracles qui ont suivi ou précédé celui-ci : le pays habité par le peuple de Dieu ne fut affligé d’aucune de ces plaies. Mais il était convenable de placer franchement en cet endroit cette observation ; ici, en effet commencent les prodiges que les magiciens n’essayèrent pas même d’imiter : et très-certainement, c’est parce que les moucherons remplissaient tout le royaume de Pharaon, à l’exclusion de la terre de Gessen, que les magiciens s’efforcèrent, mais sans le moindre succès, d’en produire aussi dans cette dernière contrée. Tant que leur art n’a pas été en défaut, le texte sacré ne dit pas que la terre de Gessen ait été préservée, mais il signale la séparation des deux pays quand commencent les prodiges que les magiciens n’osèrent pas même imiter.
XXVII. (Ib. 8, 25.) Permission dérisoire
– « Le texte latin porte : « Allez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays » et le grec : « Venez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays. » Car il ne voulait pas les laisser aller où ils demandaient ; mais il exigeait qu’ils offrissent leur sacrifice en Égypte. Ceci ressort évidemment

  1. Ps. 118, 175
  2. Ps. 25, 2-3
  3. Ps. 24, 10
  4. Lc. 11, 10
  5. Mt. 12, 28
  6. Didym.liv. 1 sur l’Esp. St.