Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un seul homme ! Peut-être cependant l’étiquette de la cour empêchait-elle d’approcher de la personne du roi pour lui parler ? Mais il est dit à Moïse : « Voici que je t’ai établi le dieu de Pharaon, et Aaron, ton frère, sera ton prophète[1]. »


XVII. (Ib. 4, 16 ; 7, 1.) Moïse appelé le Dieu de Pharaon, et Aaron, le prophète de Moïse.
– Chose digne de remarque ! Dieu ne dit pas à Moïse, lorsqu’il l’envoie vers son peuple : Voici que je t’ai établi le dieu de ton peuple, et ton frère sera ton prophète, mais : « ton frère parlera pour toi au peuple. » Il lui dit encore : « Il sera ta bouche, et tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu » il ne dit pas : Tu seras son Dieu. Mais Moïse est établi le dieu de Pharaon, et par analogie, Aaron, le prophète de Moïse, toutefois à l’égard de Pharaon. Il nous semble résulter de là que les prophètes de Dieu rapportent les paroles qu’ils tiennent de lui, et qu’un prophète n’est autre chose que l’organe par lequel Dieu adresse ses paroles aux hommes incapables ou indignes de l’entendre.
XVIII. (Ib. 7, 3.) Endurcissement du cœur de Pharaon.
– Dieu dit à plusieurs reprises : « J’endurcirai le cœur de Pharaon » et il donne pour ainsi dire la raison de sa manière d’agir : « J’endurcirai, dit-il, le cœur de Pharaon, et j’accomplirai mes merveilles et mes prodiges en Égypte » On dirait que l’endurcissement du cœur de Pharaon est comme la condition indispensable à la multiplication ou à l’accomplissement des prodiges de Dieu en Égypte. Dieu sait donc se servir des cœurs mauvais, pour l’instruction ou l’utilité des bons. Et quoique le degré de malice dans chaque cœur, ou autrement, le penchant de chacun au mal, soit le résultat d’un vice personnel, issu du libre choix de la volonté ; cependant, pour que le cœur soit porté au mal dans un sens quelconque, il y a des causes qui agissent sur l’esprit : l’existence de ces causes ne dépend, pas de l’homme ; mais elles proviennent de cette providence cachée, assurément très juste et très-sage, par laquelle Dieu règle et dispose tout ce qu’il a créé. Ainsi, que Pharaon eût un cœur capable de trouver dans la patience de Dieu un excitant, non au bien mais au mal, ce fut en lui un vice personnel ; mais quant aux événements qui déterminèrent ce cœur si dépravé à s’opposer aux ordres de Dieu, car c’est là, à proprement parler, l’endurcissement, puisqu’au lieu de céder humblement, Pharaon résistait avec obstination, ils furent une permission de la divine sagesse, qui préparait à ce cœur un châtiment, non-seulement mérité, mais évidemment plein de justice, et on les hommes craignant Dieu trouveraient une leçon. Étant proposée, par exemple, une récompense pour la perpétration d’un homicide, l’avare et celui qui, méprise la fortune seront mus dans un sens différent ; l’un sera porté à commettre le crime ; l’autre à s’en défendre : la proposition du bénéfice à retirer n’était cependant au pouvoir d’aucun des deux. C’est ainsi qu’il se présente, pour les méchants, des causes d’agir qui ne sont point en leur pouvoir, mais qui les trouvant déjà engagés dans leurs propres vices et par suite d’un choix antérieur de la volonté, les portent à suivre leurs penchants. Toutefois il faut bien voir si ces paroles : « J’endurcirai » ne peuvent aussi signifier : je montrerai combien son cœur est dur.
XIX. (Ib, 7, 9.) Sur le rôle d’Aaron.
— « Si Pharaon vous dit : Donnez-nous un miracle ou un prodige, tu diras à Aaron, ton frère : Prends une verge, et jette-la devant Pharaon et « ses serviteurs ; et ce sera un dragon. » Assurément, dans ce cas, il n’était pas nécessaire de recourir au ministère de la parole, créé en faveur d’Aaron par une sorte de nécessité, pour venir en aide à l’infirmité de Moïse : il s’agissait uniquement de jeter la verge qui devait se changer en serpent. Pourquoi donc Moïse n’a-t-il pas accompli lui-même cette action, sinon parce que cette médiation d’Aaron entre Moïse et Pharaon renferme la figure d’un évènement considérable ?
XX. (Ib. 7, 10.) Sur la verge de Moïse et d’Aaron.
– Autre remarque. Il est écrit, à propos du miracle opéré sous les yeux de Pharaon : « Et Aaron « jeta sa verge. » Si l’Écriture avait dit : Il jeta la verge, il n’y aurait pas matière à discuter ; mais comme elle met le mot sa, bien que Moïse la lui eût donnée, ce n’est peut-être pas sans raison que le texte est ainsi conçu. Cette verge leur aurait-elle été commune à tous les deux, de sorte qu’on pourrait la regarder comme appartenant à l’un aussi bien qu’à l’autre ?
XXI. (Ib. 7, 12.) Changement des verges en serpent.
– « Et la verge d’Aaron dévora leurs verges. » Si le texte eût porté. Le serpent d’Aaron dévora leurs verges, on eût compris que le serpent d’Aaron dévora, non des serpents imaginaires, mais des verges. Car il a pu dévorer des verges

  1. Ex. 7, 1