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insensé doit être pleuré toute sa vie[1]. » Le nombre septénaire marque principalement le repos à cause de la religion du Sabbat ; c’est donc avec raison qu’on l’observe pour les morts, parce qu’ils sont comme entrés dans leur repos. Cependant les Égyptiens décuplèrent ce nombre aux funérailles de Jacob ; ils le pleurèrent pendant soixante-dix jours.
CLXXIII. (Ib. 50, 22.) Comment il y eut soixante-quinze personnes qui descendirent avec Jacob en Égypte.
– « Et Joseph vécut cent-dix ans, et il vit les enfants d’Ephrem jusqu’à la troisième génération ; et les enfants de Machir, fils de Manassé, furent élevés sur les genoux de Joseph. » Lorsque l’Écriture observe que Joseph vit les enfants de ses enfants, et même ses arrière-petits-fils, comment les joint-elle aux soixante-quinze personnes, qui, selon son récit, entrèrent en Égypte, avec Jacob[2] ? Joseph, devenu vieux, put les voir enfants ; mais quand Jacob fit son entrée en Égypte, Joseph était jeune, et, à la mort de son père, il n’avait environ que cinquante-six ans. C’est donc pour une raison mystérieuse que l’Écriture a voulu consigner ce nombre soixante-et-quinze. Mais si l’on insiste pour demander comment il est véridique et conforme à l’histoire, que Jacob soit entré en Égypte avec soixante-quinze âmes, il faut comprendre que son entrée ne signifie pas seulement le jour où il est venu. En effet, comme le nom de Jacob est souvent donné à ses enfants, c’est-à-dire à sa postérité et que sa descente en Égypte est due à Joseph, son entrée signifie tout le temps que vécut Joseph, grâce auquel il l’effectua. Or, tous ceux que nomme l’Écriture, pour compléter ce nombre de soixante-quinze, en y comprenant les petits-fils de Benjamin, ont pu naître et vivre dans cet intervalle de temps. De même donc que l’Écriture dit : « Ce sont là les enfants que Lia engendra à Jacob en Mésopotamie de Syrie[3] » comptant eux-mêmes qui n’étaient pas nés, mais qui avaient déjà reçu une sorte de naissance dans la personne de leurs auteurs ou de leurs parents, nés de Lia en Mésopotamie ; ainsi Jacob, devant à Joseph d’être venu en Égypte, il est censé y entrer avec tous ses descendants que voit naître Joseph, cause première de son arrivée.


LIVRE DEUXIÈME.

QUESTIONS SUR L’EXODE


QUESTION PREMIÈRE.
– (Exod. 1, 19-20.) Sur le mensonge des sages-femmes. – Les sages-femmes voulant épargner la vie des enfants mâles d’Israël à leur naissance, trompèrent Pharaon par un mensonge, en lui disant que les femmes des Hébreux n’accouchaient pas comme les femmes des Égyptiens ; à ce propos, on demande ordinairement si de pareils mensonges ont reçu la sanction de l’autorité divine, puisqu’il est écrit que Dieu fit du bien à ces sages-femmes : mais pardonna-t-il leur mensonge, en considération de leur humanité ; ou bien jugea-t-il digne de récompense ce mensonge lui-même ? c’est ce qui n’est pas certain. Car autre chose était de sauver la vie aux enfants nouveau-nés, autre chose de mentir à Pharaon : en sauvant la vie à ces enfants, les sages-femmes accomplissaient une œuvre de miséricorde, mais en mentant à Pharaon, elles agissaient dans leur intérêt, et par crainte du châtiment, action digne peut-être de pardon, mais non d’éloge. Ceux dont il est dit : « qu’il ne s’est point trouvé de mensonge dans leur bouche[4] » n’ont pas vu, ce me semble, dans ce mensonge, un exemple à suivre. Ceux qui mènent une vie bien éloignée de celle des saints, quand ils commettent ces péchés de mensonge, s’y portent d’eux-mêmes par tempérament et à mesure qu’ils avancent en âge, surtout lorsqu’au lieu d’élever leurs espérances vers les biens célestes, ils recherchent

  1. Sir. 22, 13
  2. Gen. 46, 27
  3. Gen. 46, 15
  4. Apoc. 14, 5