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soin ou pour en garder le souvenir, quel motif a pu déterminer Jacob à lui rappeler ces circonstances ? N’est-ce pas parce qu’il était bon de remarquer que la mère de Joseph fut ensevelie dans le lieu où devait naître le Christ
CLXVI. (Ib. 48, 14-19.) Jacob bénit le plus jeune des fils de Joseph, de préférence à l’aîné.
– Lorsque Israël bénit ses petits-fils, en mettant sa main droite sur le plus jeune, sa main gauche sur l’aîné, et quand il répond à Joseph, qui l’en reprend comme d’une erreur ou d’une inadvertance : « Je sais, mon fils, je sais : celui-ci sera aussi père d’un peuple et il sera grand ; mais son frère qui est plus jeune sera plus grand que lui, et sa postérité formera une multitude de nations » ce passage doit s’entendre du Christ, comme quand il a été dit de Jacob lui-même et de son frère : « Que l’aîné sera assujetti au plus jeune[1]. » L’action d’Israël contenait donc un sens prophétique et signifiait que le second peuple, engendré spirituellement par le Christ, devait surpasser le premier, qui se glorifiait de ses ancêtres selon la chair.
CLXVII. (Ib. 48, 22.) Sur le don que fait Jacob à Joseph du pays de Sichem.
– Lorsque Jacob dit à son fils Joseph qu’il lui donne Sichem à part, et ajoute qu’il s’en est emparé avec son glaive et son arc, on est en droit de demander comment cela peut être vrai à la lettre. Car il acheta cette terre au prix de cent agneaux[2] ; et ne s’en rendit pas maître par le droit de conquête. Serait-ce parce que ses fils prirent Salem, ville des Sichimites[3], qui lui appartint dès lors par le droit de la guerre, le sanglant outrage commis envers sa fille devant paraître un motif suffisant pour justifier cette entreprise ? Mais alors pourquoi Jacob n’accorde-t-il pas ce, pays à ceux qui vengèrent leur sœur, c’est-à-dire aux aînés ? Et s’il se tient honoré de cette victoire, maintenant qu’il en donne le prix à son fils Joseph, d’où vient le déplaisir qu’il éprouva quand ses fils accomplirent cet exploit ? Pourquoi enfin, au moment même où il les bénit, rappelle-t-il ces faits en les accompagnant d’une parole de blâme[4] ? Il est donc tout à fait hors de doute qu’il y a là une prophétie et quelque mystère caché : Joseph figure particulièrement le Christ ; et cette terre, où Jacob avait renversé et ruiné le culte des idoles, lui est donnée, pour nous faire entendre que les gentils doivent appartenir au Christ, et qu’ils renonceront aux dieux de leurs pères pour croire en lui.
CLXVIII. (Ib. 49, 32.) Que signifie : « Il fut réuni à son peuple ? »
Il faut voir en quel sens l’Écriture dit si fréquemment : « Et il fut réuni à ses pères » ou : « Il fut réuni à son peuple. » C’est le langage qu’elle tient au sujet de Jacob, aussitôt qu’il est mort, et avant même qu’il soit enterré ; mais à quel peuple fut-il réuni ? c’est ce qui n’apparaît pas clairement. Car le premier peuple, qui s’appelle le peuple d’Israël, est issu de lui ; et le nombre des justes, reconnus comme tels, qui ont vécu avant lui, est si peu considérable, qu’on hésite à leur donner la dénomination de peuple. Si l’on disait simplement : Il fut réuni à ses pères, il n’y aurait point de question à poser. Ce peuple se composerait-il donc à la fois des Saints et des Anges ? Serait-ce le peuple de cette cité dont il est parlé aux Hébreux : « Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de Jérusalem, la cité de Dieu, et de milliers d’anges tressaillants d’allégresse[5] ? » Ceux-là sont réunis à ce peuple, qui, au terme de leur vie, sont trouvés agréables à Dieu. Ils lui sont réunis, quand les troubles des tentations et les dangers d’y succomber ont entièrement cessé pour eux. Aussi l’Écriture dit-elle : « Ne fais l’éloge d’aucun homme avant sa mort[6]. »


CLXIX. (Ib. 50, 3.) Sur les quarante jours consacrés à la sépulture.
– Les quarante jours consacrés à la sépulture, dont parle ta Genèse, signifient peut-être en quelque manière la pénitence qui est la sépulture des péchés. Car ce n’est pas en vain que le jeûne de Moïse[7], d’Élie[8], et de Notre-Seigneur lui-même[9], dura quarante jours et que l’Église donne le nom de Quadragésime au jeûne principal qu’elle observe. On lit également dans le texte hébreu des prophéties de Jonas au sujet des Ninivites : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite[10] » ces paroles nous donnent à entendre que pendant tous ces jours, passés dans l’humiliation et la pénitence, ils se livrèrent au jeûne, versèrent des larmes de repentir sur leurs péchés et implorèrent la miséricorde divine. Il ne faut pas croire néanmoins que ce nombre n’a de rapport qu’avec le deuil et la pénitence : autrement le Seigneur n’aurait point passé quarante jours avec ses disciples après sa résurrection, allant et venant, mangeant et

  1. Gen. 25, 23
  2. Id. 33, 19
  3. Id. 34, 25
  4. Id. 49, 6
  5. Heb. 12, 22
  6. Sir. 11, 30
  7. Exo. 34, 28
  8. 1Ro. 19, 8
  9. Mat. 4, 2
  10. Jon. 3, 4