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l’application de ce passage : ils restent comme étrangers pour cacher ; c’est-à-dire que pour tendre des pièges aux enfants, ils demeurent hors de la maison pour toujours.
CLVII. (Ib. 47, 11.) Le pays de Ramessès est-il le même que celui de Gessen ?
– « Et, suivant « le commandement de Pharaon, il les mit en possession du pays le plus fertile, le pays de Ramessès » 2 faut s’assurer si ce pays de Ramessès est le même que celui de Gessen. Car c’est celui-ci qu’ils avaient demandé et que Pharaon avait donné l’ordre de leur livrer.
CLVIII. (Ib. 47, 12.) Jacob n’adore point Joseph.
– « Et Joseph mesurait le froment à son père. » Et cependant Jacob n’adora Joseph, ni quand il le revit, ni à l’époque où il recevait de lui sa nourriture. Comment donc voir ici l’accomplissement du songe de Joseph, et ne pas comprendre que ce songe mystérieux renfermait l’annonce prophétique d’un évènement plus considérable ?
CLIX. (Ib. 47, 14.) Probité de Joseph.
– « Et Joseph porta tout l’argent dans la maison du roi. » L’Écriture a voulu dans ce trait faire l’éloge de la fidélité de ce serviteur de Dieu.
CLX. (Ib. 47, 16, 4.) Disette de grains : abondance de pâturages.
– « Joseph leur dit : Si l’argent vous manque, amenez vos troupeaux, et je vous donnerai du pain en échange. » On peut faire cette question : Lorsque Joseph recueillit le froment qui devait nourrir les hommes, comment fît-il pour conserver les troupeaux au milieu d’une si grande disette ? Les frères de Joseph n’avaient-ils pas dit à Pharaon : « Il n’y a plus de pâturages pour les troupeaux de vos serviteurs, tant est grande la famine dans le pays de Chanaan » de leur aveu, c’était ce manque de pâturages qui les avait amenés en Égypte. Si donc la famine avait causé cette disette de pâturages dans le pays de Chanaan, pourquoi les pâturages ne manquaient-ils pas en Égypte, puisque la famine était universelle ? Mais beaucoup de marais d’Égypte ne pouvaient-ils pas, comme l’affirment ceux qui ont la connaissance des lieux ; procurer des pâturages dans le temps même où manquait le froment, parce qu’il n’y avait pas eu d’inondation du Nil ? On dit en effet que ces marais produisent de fertiles pâturages quand les eaux du Nil n’ont pas eu une crûe suffisante.
CLXI. (Ib. 47, 29.) Recommandation de Jacob relativement à sa sépulture.
– Sur le point de mourir, Jacob dit à son fils Joseph : « Si j’ai trouvé grâce devant toi, mets ta main sous ma cuisse, et jure-moi que tu agiras selon la miséricorde et la vérité. » Jacob lie son fils du même serment dont Abraham lia son serviteur[1] ; celui-ci, en disant d’où il fallait ramener une épouse à son fils ; celui-là, en recommandant la sépulture de son corps. Dans ces deux circonstances se trouvent nommées en même temps deux choses qui méritent une attention et un intérêt particuliers, en quelqu’endroit des Écritures qu’on les retrouve ; tantôt elles se nomment la miséricorde et la justice, tantôt la miséricorde et la vérité ; il est écrit en effet quelque part : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[2]. » Ainsi ces deux choses si recommandables doivent être prises en grande considération. Or, le serviteur d’Abraham avait dit : « Si vous exercez envers mon maître la miséricorde et la justice[3] » et Jacob, à son tour, dit à son fils : « Afin que tu exerces envers moi la miséricorde et la vérité. » Mais d’où vient que ce grand homme recommande avec tant de sollicitude que son corps, au lieu d’être enterré en Égypte, soit déposé dans la terre de Chanaan auprès de ses pères ? Il y a là quelque chose de surprenant, et même, à juger ce fait d’après des idées tout humaines, cela paraît presque absurde et peu digne d’une âme à la fois si grande et si remplie de l’esprit prophétique. Mais si l’on approfondit les mystères cachés dans toutes ces choses, plus grande sera la joie et l’admiration de celui qui les aura découverts. Or, dans la Loi, les cadavres des morts, cela ne fait point de doute, sont la figure du péché : car elle ordonne à ceux qui les ont touchés, ou qui ont eu avec eux quelque contact, de s’en purifier comme d’une souillure. De là ce commandement : « Si celui qui se lave après avoir touché un mort, le touche de nouveau de quoi lui sert de s’être lavé ? De même, que sert à un homme de jeûner après avoir péché, si en avançant il retombe de nouveau dans les mêmes fautes[4] ? » La sépulture des morts signifie donc la rémission des péchés, et ici s’applique à propos ce mot des Psaumes : « Heureux ceux dont les iniquités sont remises et les péchés couverts[5]. » Puisque la sépulture des Patriarches figurait le pardon des péchés, où devait donc.avoirlieu cette sépulture, sinon

  1. Gen. 24, 2
  2. Psa. 24, 10
  3. Gen. 24, 49
  4. Sir. 34, 30-31
  5. Psa. 31, 1