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et qu’on se sert alors d’un mot qui approche pour le sens. Aussi est-il dit plus loin : « C’est pour cette raison qu’on a appelé ce lieu : Le monceau rend témoignage » terme moyen qui convient aux deux langues, dont l’une dit : Monceau du témoignage, et l’autre : Monceau témoin.
XCVIII. (Ib, 31, 48-49.) Ordre interverti.
– Comment Laban dit-il en parlant à Jacob : « Ce monceau est témoin, et ce monument est témoin ; c’est pourquoi il est appelé : Le monceau rend témoignage ; et la vision qu’il a montrée : Que Dieu juge entre toi et moi ? » L’ordre des paroles ne serait-il pas celui-ci : « Et que la vision que le Seigneur a montrée juge entre toi et moi ? » car Dieu lui avait défendu dans une vision de faire aucun mal à Jacob.
XCIX. (Ib. 31, 50.) Que signifie : Personne n’est avec nous ?
— Pourquoi Laban dit-il ensuite « Vois, personne n’est avec nous ? » Veut-il dire aucun étranger ? Ou bien, est-ce par égard pour le témoignage de Dieu, qu’ils devaient avoir en si haute estime, qu’il eût été inconvenant d’ajouter à ce témoignage celui d’une tierce personne ?
C. (Ib. 31, 53, 42.) Crainte d’Isaac.
– « Or, Jacob jura par la crainte de son père, Isaac. » Évidemment, c’est par la crainte d’Isaac pour Dieu, cette même crainte qu’il a déjà exaltée plus haut, quand il a dit : « Le Dieu de mon père Abraham, et la crainte de mon père Isaac. »


CI. (Ib. 32, 2.) Le camp de Dieu.
– Le camp de Dieu que vit Jacob dans son chemin, est, à n’en pas douter, la multitude des Anges elle s’appelle en effet, dans l’Écriture, l’armée des Andes.
CII. (Ib. 32, 6-12.) Crainte de Jacob devant Esaü.
– Quand on annonce à Jacob que son frère vient au-devant de lui avec quatre cents hommes, il est troublé, hors de lui-même et saisi d’une frayeur extrême. Il croit bien faire dans son trouble de partager sa famille et de la disposer en deux bandes. On peut demander ici comment il eut foi aux promesses divines, puisqu’il dit : « Si mon frère vient à détruire la première bande, la seconde pourra échapper » ? Mais Dieu ne pouvait-il permettre à Esaü de mettre le désordre dans le camp de son frère, afin de se montrer lui-même après celte épreuve, de délivrer Jacob et d’accomplir ce qu’il lui avait promis ? Nous avons aussi besoin de cet exemple pour apprendre que tout en mettant notre confiance en Dieu, nous devons faire néanmoins tout ce qui est possible à l’homme pour protéger notre vie, dans la crainte qu’en négligeant ces précautions, nous ne soyons trouvés coupables de tenter Dieu. Il faut enfin après cela donner son attention à ces autres paroles de Jacob : « Dieu de mon père Abraham, dit-il, Dieu de mon père Isaac, Seigneur, qui m’avez dit : Reviens dans le pays de ta famille et je te ferai du bien, vous méritez ma reconnaissance pour toute la justice et toute la fidélité que vous avez exercée envers votre serviteur. J’ai passé ce fleuve du Jourdain, n’ayant que ce bâton, et maintenant me voici avec ces deux troupes : délivrez-moi de la main de mon frère, de la main d’Esaü ; car je crains qu’en venant il ne me tue et les mères après leurs enfants. Mais vous m’avez dit : Je te bénirai, et je rendrai ta race pareille aux sables de la mer, dont la multitude est incalculable. » En ces paroles apparaissent à la fois et l’infirmité de l’homme et la confiance de la piété.
CIII. ( 32, 20.) Les présents de Jacob à Esaü.
– Les exemplaires latins portent ce mot relatif à Jacob : « Car il disait : J’apaiserai son visage, avec les présents qui le précédaient. » Quand l’auteur du livre dit de Jacob : « Car il disait : « J’apaiserai son visage » jusque-là on comprend que c’est Jacob qui parle ; mais les mots suivants : « avec les présents qui le précédaient » sont une addition de l’écrivain : cela signifie : Avec les présents qui précédaient Jacob, « il disait j’apaiserai le visage de mon frère. » Voici donc la liaison des paroles de Jacob : « J’apaiserai son visage et après cela je le verrai, et il m’accueillera peut-être favorablement. » Ainsi avec les présents qui le précédaient sont des paroles intercalées dans le texte par l’écrivain.
CIV. (Ib, 32, 26.) Jacob boiteux et béni. — Jacob désire la bénédiction de l’Ange qu’il a vaincu dans le combat. C’est une grande prophétie qui regarde le Christ. Ce qui nous avertit qu’il y a un sens mystérieux, c’est que tout homme veut être béni par plus grand que soi. Comment dons Jacob veut-il être béni par celui qu’il a surpassé dans la lutte ? Jacob a prévalu, ou plutôt il a semblé prévaloir contre le Christ, quand les Israélites ont crucifié le Christ. Cependant il est béni par lui lorsque d’autres Israélites ont cru en Jésus-Christ. De ce nombre était celui qui a dit : « Je suis moi-même Israélite, de la race d’Abraham, de la tribu de Benjamin »[1]. C’est donc un

  1. Rom. 11, 1