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était la seule condition nécessaire. Il faut donc voir une prophétie et un sens figuré dans cet acte que, sans aucun doute, Jacob fit en qualité de prophète : et c’est pour cela, qu’il ne faut pas l’accuser de supercherie. On doit croire en effet, qu’il ne s’est conduit de cette manière que d’après une révélation toute spirituelle. Maintenant, pour, ne pas violer la justice, d’autres interprètes l’ont fait voir plus au long, il ne mettait pas les branches â l’époque de la seconde portée des brebis. C’est ce que disent les Septante en peu de mots et avec quelque obscurité : « Après qu’elles avaient mis bas, il ne plaçait plus les branches » ce qui veut dire : après qu’elles avaient mis bas pour la première fois : il faut donc entendre qu’il ne plaçait pas les branches, quand les brebis devaient donner une seconde portée, pour éviter de recueillir à lui seul tous les petits : ce qui eût été une injustice[1].


XCIV. (Ib. 31, 30.) Les dieux nommés pour la première fois.
– « Pourquoi, dit Laban, m’as-tu dérobé mes Dieux » De là vient peut-être qu’il se disait instruit de l’avenir et que sa fille parla de la bonne fortune. Observons que c’est ici pour la première fois que nous voyons mentionnés les dieux des nations l’Écriture jusque-là n’a nommé que Dieu.
XCV. (Ib. 31, 41, 7.) Sur la conduite de Laban envers Jacob relativement aux troupeaux.
— Que signifie ce que dit Jacob de son beau-père : « Tu m’as frustré sur ma récompense de dix jeunes brebis ? » Quand et comment cela arriva-t-il, l’Écriture ne le dit point : mais le fait rapporté par Jacob est arrivé certainement : car il tint le même langage à ses femmes, quand il les fit venir dans la campagne. Se plaignant en effet de leur père, il leur dit entre autres choses : « Il a changé ma récompense de dix agneaux. » Ainsi, chaque fois que portaient les brebis, Laban, voyant que les petits venaient tels qu’il était convenu de les donner à Jacob, changea par supercherie les conventions et voulut qu’à la portée suivante ce qui serait de couleurs différentes échût en partage à Jacob. Celui-ci ne mettant plus alors les branches de nuances variées, les agneaux ne naissaient plus tachetés, mais d’une seule couleur, et Jacob les emportait, en vertu de la nouvelle convention. À cette vue, Laban changeait encore frauduleusement les conditions, et ce qui était tacheté devait revenir à Jacob. Encore alors les petits naissaient tachetés, grâce aux branches de diverses couleurs. En disant à ses femmes : « Il a changé ma récompense de dix agneaux » et ensuite à Laban lui-même : « Tu m’as frustré sur ma récompense de dix jeunes brebis » Jacob ne veut donc pas faire entendre que cette déloyauté profita à son beau-père : il dit en effet que Dieu lui vint en aide contre Laban pour empêcher ce résultat. Les dix agneaux ou les dix jeunes brebis sont, dans sa manière de parier ; les dix saisons, où les brebis dont il avait la garde, donnèrent leurs petits pendant six ans. Car elles mettaient bas deux fois l’année ; or, la première année qu’il traita avec Laban, et qu’il accepta de garder les troupeaux pour la récompense convenue, les brebis ne donnèrent des agneaux qu’une fois à la fin de l’année, la première portée étant déjà venue, quand l’engagement fut contracté. La même chose arriva la sixième et dernière année ; quand les brebis eurent donné une première portée, il fallut partir, avant qu’elles eussent donné la seconde. La première et la dernière année ayant produit sous la garde de Jacob deux portées d’agneaux seulement, c’est-à-dire une pour chaque année, et les quatre années intermédiaires ayant donné chacune deux portées, cela fait dix en tout. Il ne faut pas s’étonner qu’il désigne ces dix saisons par le nom des agneaux qui vinrent à ces époques ; c’est comme si l’on disait : pendant tant de vendanges, pendant tant de moissons, pour marquer le nombre des années ; c’est ainsi qu’un poète a dit : Après quelques épis[2], entendant par épis les moissons, et par les moissons des années. Quant à la fécondité des troupeaux de ce pays, elle est telle qu’ils donnent, comme en Italie, deux portées dans un an[3].
XCVI.(Ib. XXXI. 45.) Pourquoi on élevait des pierres monumentales.
– « Alors Jacob prit une pierre, et en fit un monument. » 2 faut avoir soin de remarquer qu’on élevait ces monuments en mémoire d’un évènement quelconque : ce n’était pas pour leur rendre des honneurs divins, mais pour y attacher un souvenir.
XCVII. (Ib. XXXI. 47-48.) Monceau de pierres élevé par Laban et Jacob.
– Le monceau de pierres élevé par Laban et Jacob reçoit de chacun d’eux un nom quelque peu différent ; Laban l’appelle Monceau du témoignage : et Jacob Monceau témoin. Au dire de ceux qui entendent le syriaque et l’hébreu, cette différence vient de la propriété de chacune de ces langues. Il arrive souvent en effet, qu’une langue n’a pas le même mot qu’une autre pour signifier la même chose,

  1. 2 Rétract.ch. 55.n° 1.
  2. Virg. Bucol. Eglog. 1, 70
  3. II. Rét.ch. 55, n° 1.