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cette dernière interprétation s’applique mieux à Rébecca. Ce qu’avait dit Abraham n’avait pas effectivement Rébecca pour objet, mais une femme quelconque de sa tribu ou de sa parenté ; et dans l’un et l’autre cas, le serviteur devait être déchargé de son serment, s’il n’obtenait pas ce qu’il demandait. Or on ne parle pas ainsi, quand on prophétise quelque chose. Car la certitude est une condition de la prophétie.
LXVIII. (Ib. 24, 60.) Adieux, faits à Rébecca par ses frères.
– Quand les frères de Rébecca lui disent à son départ : « Tu es notre sœur ; sois la mère de mille milliers d’enfants ; que ta postérité possède l’héritage et les villes de ses ennemis » ils ne prophétisent point ; ces souhaits magnifiques ne leur sont pas non plus inspirés par l’orgueil ; mais ils ne purent ignorer les promesses que Dieu avait faites à Abraham.
LXIX. (Ib. 24, 63.) Exercice d’Isaac.
– Il est écrit : « Isaac sortit vers le milieu du jour dans la campagne pour s’exercer. » Ceux qui ne connaissent pas le mot qui correspond dans le grec, croient que cette expression exerceri marque un exercice du corps. Mais le grec porte adoleskhesai ; or, adoleskhein s’entend d’un exercice de l’esprit et généralement en mauvaise part ; souvent néanmoins l’Écriture prend ce terme en bonne part. Les uns le traduisent par exercice ; les autres, par causerie, sorte de verbiage, mot qui, dans la langue latine, ne se retrouve jamais ou presque jamais employé en bonne part ; mais, comme je l’ai dit, presque toujours il est pris en bonne part dans l’Écriture et je crois que cette expression signifie l’état d’une âme profondément absorbée dans la méditation et y trouvant ses délices. Ceux qui entendent mieux le grec y verront peut-être un sens préférable.


LXX. (Ib. 25, 1.) Sur la polygamie.
– « Abraham épousa ensuite une femme nommée Céthura. » Il y aurait ici sujet de demander s’il y avait péché, surtout pour les Patriarches qui s’appliquaient à propager leur race. Il ne faut en effet soupçonner rien moins que de l’incontinence de la part d’un si grand homme surtout à l’âge où il était arrivé. Mais pourquoi eut-il des enfants de Céthura, après en avoir eu de Sara par miracle ? Nous en avons donné la raison plus haut[1]. Toutefois, au sentiment de plusieurs interprètes, le don qui fut accordé à Abraham, d’avoir eu des enfants dans un corps en quelque sorte revenu à la vie, aurait longtemps persévéré, et lui aurait permis de devenir le père d’autres enfants. Mais il est beaucoup plus simple d’admettre qu’un vieillard ait pu engendrer avec une femme jeune ; ce qui était impossible, à moins d’un miracle, à un vieillard uni à une femme âgée, eu égard surtout non seulement à l’âge, mais encore à la stérilité de Sara. Qu’un homme d’un âge avancé, et comme dit l’Écriture, plein de jours, puisse être appelé ancien,presbyteron peut le conjecturer de ce qu’Abraham fut appelé de ce nom après sa mort. Tout vieillard est donc un ancien, mais tout ancien n’est pas un vieillard : car on désigne ordinairement ainsi l’âge voisin de la vieillesse ; aussi, dans la langue latine, du mot vieillesse, senectus, est venu senior qui signifie ancien et répond à presbyter. En grec, principalement dans le style de l’Écriture, on dit par opposition presbuteroi et neoteroi même quand on parle d’hommes jeunes encore, comme on dit parmi nous l’aîné, et le plus jeune. Cependant si Abraham eut, après la mort de Sara, dix enfants de Céthura, il ne faut pas juger ce trait de sa vie d’après la coutume et les idées humaines, ni croire qu’il n’eut d’autre dessein que de se créer une nombreuse postérité. On pourrait interpréter dans le même sens sa conduite envers Agar, si l’Apôtre ne nous avertissait que les choses sont arrivées prophétiquement, et que dans la personne de ces deux femmes et de leurs enfants les deux Testaments se trouvaient allégoriquement prédits[2]. Il faut donc aussi chercher, une signification semblable ici quoiqu’il ne s’en découvre pas facilement. Je vais dire néanmoins celle qui me vient à l’esprit : les présents faits aux enfants des concubines signifient, ce me semble, les dons départis, soit dans les sacrements, soit dans les miracles, aux Juifs charnels et aux hérétiques, ces fils de concubines ; tandis que le trésor de l’héritage, qui est la charité et la vie éternelle, n’appartient qu’à Isaac, c’est-à-dire, aux enfants de la promesse.
LXXI. (Ib. 25, 13.) Pourquoi les noms des enfants d’Israël d’après les noms de leurs générations ?
– Que signifient ces mots : « Voici les noms des enfants d’Israël d’après les noms de leurs générations ? » On ne voit pas assez clairement pourquoi il est ajouté : « d’après les noms de leurs générations » puisqu’il n’est fait mention que des enfants dont d’Israël est le père, saris parler de ceux qui sont issus de ceux-ci. Le sens de ces paroles : « d’après les noms de leurs générations » serait-il que les nations dont ils sont la souche portent leurs noms ? Mais de

  1. Ci-dessus, question 35.
  2. Gal. 4, 22-24