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langage de l’Écriture, tenter a le même sens que, éprouver ? Or la tentation dont parle saint Jacques ne s’entend que de celle qui pousse au péché. C’est dans ce sens que l’Apôtre dit : « Dans la crainte que le tentateur ne vous tente[1] » car il est écrit ailleurs : « Le Seigneur votre Dieu vous tente, pour savoir si vous l’aimez[2]. » Cette autre manière de parler : pour savoir, a le sens de : pour vous faire savoir ; car l’homme ignore la puissance de son amour, tant qu’une épreuve envoyée de Dieu ne la lui a fait connaître.

LVIII. (Ib. 22, 12.) Sur ces mots : Je connais maintenant que tu crains Dieu.
– Un Ange dit du ciel à Abraham : « Ne mets pas la main sur l’enfant, et ne lui fais rien. Car je connais maintenant que tu crains Dieu. » Cette question se résout, comme la précédente, par une analogie d’expressions ; car ces mots : « Je connais maintenant que tu crains Dieu » signifient : maintenant je te fais connaître. Cette manière de parler se comprend avec évidence dans la suite du texte : « Et Abraham appela ce lieu : Le Seigneur a vu ; et l’on dit aujourd’hui : Le Seigneur apparut sur la montagne. » Il a vu, mis pour : il apparut, a le même sens que : il a fait voir ; la cause est mise pour l’effet ; comme on dit : un froid engourdi, pour : un

LIX. (Ib. 22, 12.) Est-ce par égard pour l’ange ou par égard pour Dieu, qu’Abraham était prêt à ne pas épargner son fils ?
– « Et pour moi tu n’as pas épargné ton fils bien-aimé. » Est-ce par égard pour l’Ange, et non par égard pour Dieu qu’Abraham n’a pas épargné son fils ? Ainsi, de deux choses l’une : ou sous ce nom d’Ange est désigné le Christ notre Seigneur, qui est Dieu sans aucun doute, et que le Prophète appelle manifestement : « l’Ange du grand conseil[3] » ou bien, c’est que Dieu était dans l’Ange et celui-ci, comme il arrive souvent dans les prophètes, parlait au nom de Dieu. Ce dernier sens paraît se dessiner d’une manière plus évidente dans les paroles suivantes du texte : « Et l’Ange du Seigneur appela de nouveau Abraham du haut du ciel, disant : J’ai juré par moi-même, dit le Seigneur. » Il est difficile en effet de trouver que ce Christ nomme Dieu le Père son Seigneur, dans le temps surtout qui précéda l’Incarnation. Eu égard à la forme d’esclave qu’il a prise, cette expression semble ne pas manquer de convenance. En effet pour prophétiser cet événement il est dit dans un psaume : « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils.[4] » Mais il est difficile de découvrir dans l’Évangile même, que le Christ appelle Dieu le Père son Seigneur, parce que celui-ci le serait en vérité, quoiqu’il l’appelle Dieu, dans ce passage où on dit : « Je vais vers mon Père et votre Père ; vers mon Dieu, et votre Dieu[5]. » Quant à ces paroles de l’Écriture : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur[6] » c’est au nom de celui qui parle qu’elles sont prononcées : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur » c’est-à-dire, Le Père a dit au Fils. Ainsi ces autres paroles : « Le Seigneur fit pleuvoir de la part du Seigneur[7] » sont dites également au nom de l’écrivain sacré et en voici le sens : Le Seigneur de cet écrivain envoya la pluie de la part de son Seigneur ; notre Seigneur de la part de notre Seigneur, le Fils de la part du Père.

LX. (Ib. 22, 21.) Sur Chamuel, père des Syriens. – Quand on annonce à Abraham que Melchaa eu des enfants et qu’on nomme l’un deux, Chamuel, le père des Syriens, il est évident que cette dernière dénomination n’a pu être donnée par ceux qui apportèrent la nouvelle, puisque les Syriens, qui doivent leur origine à ce Chamuel, ne formèrent un peuple nombreux que dans des temps bien postérieurs. Cette addition est de l’auteur, qui écrivit ces faits longtemps après qu’ils se furent accomplis ; nous avons fait déjà une remarque semblable, à propos du Puits du serment[8].

LXI. (Ib. 23, 7.) Sens du mot adorer.
– « Abraham, se levant, adora le peuple de cette contrée. » Pourquoi demande-t-on, est-il écrit : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui[9] » puisqu’Abraham a porté jusqu’à l’adoration ses hommages à un peuple païen ? Mais il faut le remarquer : il n’est pas dit dans ce commandement : Tu n’adoreras que le Seigneur ton Dieu, comme il est dit : « Tu ne serviras « que lui » en grec tu rendras le culte de latrie latreuseis. Ce culte n’est dû qu’à Dieu. Aussi condamne-t-on les idolâtres, c’est-à-dire, ceux qui rendent aux idoles un culte semblable à celui que l’on doit à Dieu. Et qu’on ne se préoccupe pas de ce que, dans un autre endroit de l’Écriture, l’ange défend à l’homme de l’adorer, et l’avertit d’adorer plutôt le Seigneur[10]. Cet Ange avait apparu dans un tel éclat, qu’il pouvait être adoré à la place de Dieu ; or, c’était une erreur qu’il fallait dissiper.

LXII. (Ib. 24, 3.) Serment exigé par Abraham.

  1. 1Th. 3, 5
  2. Deu. 13, 3
  3. Isa. 9, 6, selon les Sept
  4. Psa. 2, 7
  5. Psa. 109, 1
  6. Psa. 109, 1
  7. Gen. 19, 24
  8. Ci-dessus, quest. 55
  9. Deu. 6, 13 ; 10, 20
  10. Apo. 19, 10