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comme on a pu le voir par l’exposé des questions précédentes, où sont récapitulés les évènements.
2. Plusieurs interprètes donnent cependant une autre explication. Ils supputent les années d’Abraham à partir du temps où il fut délivré des flammes dans lesquelles il avait été jeté par les Chaldéens, et condamné à y périr, pour n’avoir pas voulu s’associer au culte superstitieux qu’ils rendent au feu. Ce récit, qui s’appuie sur la tradition des Juifs, ne se lit pas toutefois dans l’Écriture. Cette solution est également admissible ; car, en disant que « Tharra avait soixante-dix ans quand il engendra Abraham, Nachor et Arran » l’Écriture ne veut pas faire entendre assurément qu’à l’âge de soixante-dix ans il les engendra tous les trois, mais qu’il commença à avoir des enfants à cet âge. Or, il est possible qu’Abraham soit le plus jeune, mais qu’il soit nommé le premier en raison de la grandeur de son mérite. C’est ainsi que le prophète, en disant : « J’ai aimé Jacob et détesté Esaü[1] » désigne d’abord le plus jeune ; c’est ainsi encore qu’aux Paralipomènes, Juda est cité le premier, quoiqu’il soit le quatrième dans l’ordre de la naissance[2] : n’était-ce pas à lui que la nation juive devait emprunter son nom, parce que la royauté était dans sa tribu ? Or, c’est un grand avantage d’avoir pour la solution des questions difficiles plusieurs moyens de s’en tirer.
3. Il est bon maintenant d’examiner laquelle de ces explications se trouve en plus parfait accord avec le récit de saint Étienne. Suivant ce récit, et contrairement à ce que semble dire la Genèse[3], ce n’est pas après la mort de Tharra qu’Abraham reçut de Dieu l’ordre de quitter sa famille et la maison de son père, mais lorsqu’il était en Mésopotamie, sorti déjà du pays des Chaldéens et avant qu’il habitât Chanaan ; et ce serait dans ce voyage que Dieu lui aurait parlé. Mais Étienne dit ensuite : « Alors Abraham sortit du pays des Chaldéens, et alla demeurer à Chanaan ; et de là, après la mort de son père, Dieu le fit passer en ce pays[4]. » Ces paroles ne créent pas un léger embarras à l’explication, qui se base sur la récapitulation. Car Abraham parait avoir reçu l’ordre de Dieu, lorsqu’il était sur le chemin de la Mésopotamie, à sa sortie du pays des Chaldéens, et dans son voyage à Chanaan ; et cet ordre, il ne l’a fidèlement accompli, ce semble, qu’après la mort de son père, puisqu’il est dit : « Et il demeure à Chanaan ; et de là, après la mort de son père, Dieu le fit passer en ce pays. » La question reste donc la même : si, comme le dit nettement le texte de la Genèse, Abraham avait soixante-quinze ans, quand il sortit de Chanaan, comment cela peut-il être vrai ? On pourrait donner peut-être à ces paroles d’Étienne : « Alors Abraham sortit du pays des Chaldéens, et habita à Chanaan » l’interprétation suivante : Il se mit en chemin, lorsque le Seigneur lui eut parlé, et il était déjà en Mésopotamie, comme il a été dit plus haut, quand il entendit cet ordre de Dieu ; mais saint Étienne a voulu tout résumer, en usant du mode de récapitulation, et dans ces mots : « Abraham sortit alors de la terre des Chaldéens et habita à Chanaan », dire à la fois, et le lieu d’où sortit Abraham, et celui où il habita. C’est au milieu de ces évènements, entre son départ du pays des Chaldéens et son séjour à Chanaan, que le saint patriarche entendit la parole de Dieu. Étienne dit ensuite : « Et de là, après la mort de son père, Dieu le fit passer dans ce pays. » Il faut observer ici qu’il ne dit pas : Et après la mort de son père, il sortit de Chanaan ; mais : « De là Dieu le fit passer en cette région. » Ainsi, après avoir habité Chanaan, il fut établi dans la terre de Chanaan ; il n’est pas sorti après la mort de son père, mais il a été établi après la mort de ce dernier dans la terre de Chanaan. Voici donc l’ordre des faits : Il demeura à Chanaan, et de là Dieu le fit passer en cette contrée après la mort de son père : il faut conclure de là qu’Abraham était placé ou établi dans la terre de Chanaan, à l’époque où lui fut donné le descendant dont toute la race devait régner en ce pays, suivant la promesse et l’héritage qu’il avait reçus de Dieu. Car Abraham eut Ismaël de son union avec Agar, et de Céthura d’autres enfants encore, à qui cette contrée ne venait point à titre héréditaire. D’Isaac naquit Esaü, qui en fut exclu également. Quant à Jacob, fils d’Isaac, tout ce qu’il eut d’enfants, sa race tout entière, participa à l’héritage. Si on le comprend bien, Abraham fut donc placé et établi dans cette région, car il vécut jusqu’à là naissance de Jacob ; la question se trouve résolue par mode de récapitulation ; les solutions différentes ne sont pas cependant à dédaigner.


XXVI. (Ib. 12, 12-14.) Pourquoi Abraham cache aux Égyptiens que Sara est sa femme.
– « Il arriva donc que les Égyptiens, en vous voyant, diront que c’est la femme de cet homme. Et il arriva qu’aussitôt qu’Abraham fut

  1. Mal. 1, 2-3
  2. 1Ch. 4, 1
  3. Gen. 12, 1
  4. Act. 7, 4