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à choisir l’opinion la plus probable, ou à fixer, s’il y a incertitude absolue, les bornes où il faut savoir se renfermer. Il est incontestable, que le sixième jour Dieu fit l’homme à son image, et qu’en même temps il le créa mâle et femelle[1]. Nous avons reconnu précédemment [2], que la ressemblance avec Dieu était propre à l’âme, tandis que la distinction des sexes était spéciale à la chair. Une foule de témoignages imposants, que nous avons alors discutés en détail, nous ont empêchés de rapporter au sixième jour la formation de l’homme et celle de la femme, tirés, l’un de la poussière, et l’autre d’une côte de l’homme, la formation de la femme étant évidemment postérieure à l’époque où Dieu créa toutes ses œuvres du même coup [3]. Nous avons alors essayé de formuler notre opinion sur l’âme de l’homme, et une discussion aussi complète qu’approfondie nous a conduits à croire, ou du moins à regarder comme probable que la création de l’âme chez l’homme se rattachait aux œuvres primitives de Dieu, tandis que la formation de son corps était implicitement comprise dans le monde matériel. Par là, nous avons évité plusieurs conséquences opposées aux témoignages de l’Écriture, par exemple, que le sixième jour l’homme aurait été formé du limon de la terre et la femme tirée d’une de ses côtes ; que l’homme n’aurait étécréé.àaucun titre le sixième jour ; que le corps aurait été créé en principe, tandis que l’âme, qui constitue la ressemblance de l’homme avec Dieu, ne l’aurait pas été. Enfin nous n’avons pas été contraints d’admettre une opinion qui, sans contredire l’Écriture, est bizarre, insoutenable, et d’après laquelle l’âme de l’homme aurait été renfermée en principe dans un être spirituel créé tout exprès, sans que l’Écriture en fit aucune mention parmi les ouvrages de Dieu, ou même qu’elle aurait été implicitement comprise dans les êtres déjà créés, au même titre qu’un enfant aujourd’hui est implicitement renfermé dans les parents qui doivent lui donner le jour, et par conséquent, qu’elle aurait été la fille d’un ange ou, ce qui est plus insoutenable encore, une transformation de la matière.

CHAPITRE III. TROIS HYPOTHÈSES SUR L’ORIGINE DE L’ÂME.


4. Mais si l’âme de la femme, loin d’être émanée de celle de l’homme, a été, comme pour celui-ci, un présent de Dieu, et que la création des âmes soit successive, il faut ou reconnaître que l’âme de la femme n’a aucun rapport avec les œuvres de la création primitive, ou supposer que le principe de la formation des âmes a été établi en général, comme celui de la reproduction des corps, et par conséquent retomber dans l’opinion si bizarre et si insoutenable que les âmes humaines sont fille des anges, ou, ce qui révolte encore davantage, du ciel physique, et même d’un élément plus grossier encore. Puisque la vérité absolue nous est cachée, il faut examiner qu’elle est l’opinion la plus vraisemblable. Or, il y en a trois : je viens en dernier lieu d’expliquer la première ; d’après la seconde, Dieu n’aurait créé primitivement qu’une seule âme, celle du premier homme, et toutes les âmes en viendraient par une sorte de propagation ; d’après la troisième, les âmes seraient successivement créées, sans avoir préexisté même virtuellement dans les œuvres primitives des six jours. De ces trois hypothèses, les deux premières n’ont rien qui contredise la théorie de la création primitive où Dieu fit tout à la fois. En effet, que le principe de l’âme humaine ait été créé dans un être destiné à lui servir comme de père, de telle sorte que toutes les âmes y prennent naissance et soient créées par Dieu qui les donnerait aux hommes en même temps que les parents fourniraient le corps ; ou que l’âme ait été créée, quand fut créé le jour, sans avoir une raison d’être préexistente, semblable à celle qui renferme implicitement un enfant dans son père, et qu’elle se soit faite comme le jour, le ciel, la terre, les luminaires du ciel ; dans les deux cas, on peut dire, en même temps que l’Écriture : « Dieu fit l’homme à son image. »
5. Quant à la troisième hypothèse, il est bien difficile de la concilier aveu le principe incontestableque.l'hommefut créé, le sixième jour, à l’image : de Dieu, et ne reçut qu’après le sixième jour une forme visible. Prétendre que Dieu crée des âmes nouvelles sans les avoir créées le sixième jour, soit en elles-mêmes, soit dans un principe qui les contint au même titre que le

  1. Gen. 1, 27
  2. Ci-dessus, liv. 6, VIII
  3. Eccl. 18, 1