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sacré tend clairement à nous faire comprendre.
21. En second lieu, Dieu pouvait-il ignorer qu’il n’avait créé aucun animal capable de servir d’aide à l’homme ? Était-il nécessaire que l’homme en fût instruit et se fit une idée d’autant plus haute de sa femme que sur tous les animaux qui comme lui avaient été créés sous le ciel et respiraient le même air, aucun ne s’était trouvé son semblable ? Mais il serait étrange qu’il eût fallu, pour lui donner cette idée, lui amener et lui faire voir les animaux. S’il avait foi en Dieu, il pouvait l’apprendre de lui, de la même manière qu’il fut instruit de sa défense, interrogé après sa faute et condamné. S’il n’avait pas foi en lui, il lui était impossible de découvrir si ce Dieu, en qui il n’avait aucune confiance, lui avait montré tous les animaux, ou s’il en avait caché d’autres semblables à lui dans quelque contrée lointaine. Par conséquent je ne puis m’empêcher de croire que cet évènement, quoiqu’il ait eu lieu, ne cache quelque allégorie prophétique.
22. Mais le plan de cet ouvrage ne consiste point à éclaircir les prophéties mystérieuses : j’ai pour but d’exposer les évènements avec leur caractère historique, afin que, si quelque fait semble impossible aux esprits frivoles et incrédules, ou opposé à l’autorité de l’Écriture, en offrant pour ainsi dire un témoignage contradictoire, sa possibilité et sa concordance soit démontrée, autant que je puis le faire avec l’aide de Dieu. Quant aux évènements dont la possibilité est évidente et qui, sans offrir aucune contradiction avec le reste de l’Écriture, paraissent aux yeux de quelques personnes, inutiles ou même déraisonnables, je devrais m’attacher à démontrer que tout ce qui est en dehors du cours ordinaire de la nature a pour but de nous apprendre à préférer le témoignage infaillible de l’Écriture à nos imaginations, et qu’au lieu d’y voir une extravagance, il faut le prendre pour une allégorie. Mais ces explications et ces commentaires font déjà ou feront plus tard le sujet d’autres Ouvrages.

CHAPITRE XIII. LA FORMATION DE LA FEMME EST À LA FOIS RÉELLE ET SYMBOLIQUE.


23. Que signifie donc cette formation de la femme tirée d’une côte de l’homme ? Admettons que c’était un moyen nécessaire de faire comprendre l’union des deux sexes ; mais ne pouvait-on atteindre ce but sans créer la femme pendant le sommeil d’Adam, sans mettre de la chair à la place de l’os employé ? N’aurait-il pas mieux valu ne se servir que d’un morceau de chair pour en former la femme, puisque son sexe est plus délicat ? Quoi ! Dieu a pu d’une côte former le corps d’une femme avec tous les organes qui le composent, et il n’aurait pu la former de chair, de cette pulpe sanguine, lui qui avait tiré l’homme de la poussière ? Admettons qu’il avait fallu tirer une côte ; pourquoi ne pas la remplacer par une autre ? Pourquoi au lieu des expressions consacrées : il façonna, il fit, l’Écriture dit-elle que Dieu édifia cette côte, comme s’il s’agissait d’un édifice et non d’un corps vivant ? Or, comme ces évènements sont réels et ne peuvent être taxés de rêves insensés, il est incontestable que tous ces actes cachent une prophétie et que, dès le berceau du genre humain, Dieu a découvert dans ses œuvres, par un effet de sa miséricorde, les bienfaits des âges à venir : il voulait que ces bienfaits révélés au moment fixé à ses serviteurs dans la suite des siècles, sous l’inspiration du Saint-Esprit ou par le ministère des anges, et consignés dans l’Écriture, servissent de garanties pour les promesses qu’il faisait dans l’avenir, par l’accomplissement même des prédictions faites dans le passé : c’est là un point qui va s’éclaircir de plus en plus dans la suite de cet ouvrage.

CHAPITRE XIV. COMMENT LES ANIMAUX FURENT-ILS PRÉSENTÉS A ADAM


24. Examinons donc, en nous attachant, selon le plan de cet ouvrage, aux faits eux-mêmes plutôt qu’aux évènements qu’ils annonçaient, à la lettre plutôt qu’au symbole, ce passage : « Dieu amena devant Adam tous les animaux, afin qu’il vit comment il les appellerait. » ##Rem de ne parle pas du passage « Dieu forma de la terre toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel : » nous lui avons consacré assez de développements. Quel moyen Dieu employa-t-il pour amener les animaux devant Adam ? Il faut bannir à cet égard tolite idée grossière, en se reportant à la théorie que nous avons exposée au livre précédent, sur le double mode suivant lequel s’exerce la Providence [1]. N’allons pas croire qu’on rassembla les animaux comme fait le chasseur ou l’oiseleur, quand il fait tomber sa proie dans ses

  1. Ci-dessus, liv. 8, ch. 9, XIX-XXVI