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CHAPITRE VII. RÔLE DE LA FEMME. – MÉRITE DE LA VIRGINITÉ ET DU MARIAGE. – TRIPLE AVANTAGE DES UNIONS LÉGITIMES.


12. En résumé, je ne saurais comprendre dans quel but la femme a été donnée pour aide à l’homme, si l’on supprime sa fonction de mère. Et pourquoi la supprimer ? C’est ce que je ne m’explique pas non plus. D’où vient, en effet, le mérite sublime de la virginité aux yeux de Dieu, sinon de l’empire qu’on exerce sur soi-même, à une époque où le mariage est assez répandu ici-bas pour produire chez toutes les nations un nombre suffisant de saints, et du renoncement à un grossier plaisir des sens que ne justifie plus la nécessité de propager l’espèce ? Enfin, comme les deux sexes ont un penchant qui les entraîne an déshonneur et.àla ruine, le mariage leur offre un moyen honorable de ne point succomber, et le devoir que pourraient remplir les esprits sains se tourne en remède pour les esprits malades. Si l’incontinence est un mal, il ne s’ensuit pas que le mariage ne soit pas un bien, même quand il unit des cœurs sans empire sur eux-mêmes, loin de là ; le bien ne devient pas un mal à cause de ce vice, mais il rend le vice plus excusable : le bien attaché au mariage et qui le rend légitime ne peut jamais être un péché. Ce bien est triple : il comprend la fidélité, la famille, le sacrement, La fidélité consiste à ne jamais violer la foi conjugale ; la famille doit être adoptée avec amour, nourrie avec tendresse, élevée dans la piété ; le sacrement rend le mariage indissoluble et interdit aux époux, même séparés, d’avoir des enfants d’un autre lit. Tel est le principe du mariage ; il embellit la.féconditécomme il règle la passion. Mais comme nous avons suffisamment développé dans notre traité du Bien conjugal les mérites relatifs d’une viduité chaste et d’une pureté virginale et fait ressortir la supériorité de celle-ci, nous ne nous arrêterons pas plus longtemps, sur cette question.

CHAPITRE VIII. LA FUITE D’UN DÉFAUT FAIT SOUVENT TOMBER DANS UN AUTRE.


13. Nous devons maintenant examiner quel concours la femme pouvait prêter à l’homme dans l’hypothèse où toute union en vue d’avoir des enfants leur eût été interdite dans le Paradis. Les partisans de cette hypothèse se figurent sans doute que tout rapport entre les sexes est un péché. Il est effectivement bien difficile aux hommes de n’être pas entraînés dans un vice en voulant éviter son contraire. Ainsi la peur de l’avarice conduit à la prodigalité, celle de la prodigalité à l’avarice. Si on reproche à un homme son apathie, il tombe dans une humeur inquiète ; si on lui reproche son humeur inquiète, il tombe dans l’apathie. A-t-on ouvert les yeux sur sa présomption ? on se jette dans la timidité. Veut-on sortir de sa timidité ? il semble qu’on force une barrière et l’on tombe dans la présomption, en s’adressant à l’imagination plutôt qu’à là raison pour mesurer les fautes. Voilà comment on arrive à ne pas comprendre le crime que le droit divin condamne dans la fornication et l’adultère, et à maudire l’union qui a pour but la propagation de l’espèce.

CHAPITRE IX. LA FEMME ÉTAIT DESTINÉE A ÊTRE MÈRE LORS MÊME QUE LE PÉCHÉ N’EUT PAS ENTRAÎNÉ LA MORT.


14. D’autres personnes, sans tomber dans cette erreur, voient bien que la fécondité est une loi divine établie pour réparer les vides du genre humain ; mais elles se figurent que le premier couple humain n’aurait jamais connu le mariage, s’il n’avait pas été condamné à mourir en punition de sa faute, et par suite obligé de se créer une postérité. On ne songe pas que si le mariage était légitime pour s’assurer des successeurs après la mort, il eût été plus légitime encore pour associer des compagnons à sa vie. Sans doute si la terre était toute remplie par le genre humain, on ne songerait à se reproduire que pour combler les vides faits par la mort : mais, quand un seul couple devait remplir la terre, aurait-il pu, sans le secours du mariage, suffire aux fonctions de la société humaine ? De plus, est-il un esprit assez aveuglé pour ne pas voir quel ornement le genre humain ajoute à ce monde, malgré le petit nombre des esprits droits et sublimes, et pour ne pas sentir l’excellence des lois humaines, qui par un lien puissant assujettissent, jusqu’aux pervers, à l’ordre tel qu’il peut régner ici-bas ? Quelle que soit la corruption des hommes, ils n’en gardent pas moins leur supériorité sur les bêtes et les oiseaux. Cependant si l’on considère de quelle décoration les espèces si variées