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LIVRE IX. CRÉATION DE LA FEMME[1].

CHAPITRE PREMIER. DU SENS ATTACHÉ AUX EXPRESSIONS : « DIEU FIT ENCORE DE LA TERRE TOUTES LES BÊTES DES CHAMPS » ET AU MOT terre.


1. « Et le Seigneur Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul : faisons-lui un aide semblable à lui. Et Dieu fit encore de la terre toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux des cieux ; puis il les fit venir devant Adam, afin qu’il vît comment il les nommerait. Et le nom qu’Adam donna à tout animal vivant fut son nom. Et Adam donna des noms à tous les animaux domestiques et aux oiseaux des cieux et à toutes les bêtes des champs. Mais il ne se trouvait point d’aide pour Adam qui fût semblable à lui. Et Dieu plongea Adam en une sorte de ravissement et il s’endormit. Et il prit une de ses côtes et il resserra la chair à la place. Dieu forma la femme de la côte qu’il avait prise d’Adam et il la fit venir devant Adam. Alors Adam dit : C’est bien là l’os de mes os et la chair de ma chair. On la nommera femme, parce qu’elle a été tirée de l’homme. Aussi l’homme laissera son père et sa mère et s’attachera à son épouse et ils seront une même chair[2]. » Si le lecteur a goûté les considérations que nous avons faites dans les livres précédents, il est inutile de faire un long commentaire sur ces mots : « Dieu forma encore de la terre les bêtes des champs. » L’expression encore suppose la création primitive des six jours, où tous les êtres furent simultanément créés dans leurs causes, achevés et inachevés tout ensemble, puisque ces causes devaient produire successivement leurs effets : c’est un point que nous avons éclairci autant que nous l’avons pu [3]. Si on souhaite une autre solution, qu’on pèse exactement toutes les expressions qui nous ont amené à nous former celle-ci, et si l’on en tire une explication plus claire et plus satisfaisante, loin de la rejeter, nous serons heureux de l’adopter.
2. Si on est embarrassé de voir ici l’Écriture assigner la terre pour origine commune aux animaux et aux oiseaux, au lieu de les faire sortir les uns de la terre, les autres des eaux, on verra aisément que ce passage admet une double explication. En effet, ou l’Écriture n’a point parlé ici de l’élément dont les oiseaux du ciel furent tirés, parce qu’on pouvait aisément suppléer à son silence et comprendre que les bêtes des champs seules furent formées de la terre, puisque l’on savait déjà par le récit de la création des causes primitives que les oiseaux furent tirés des eaux : ou la terre est comprise avec l’eau sous un terme général, comme dans le Psaume où, des louanges célébrées dans les espaces célestes en l’honneur de Dieu, on passe à celles qui s’élèvent de la terre : « Du sein de la terre louez le Seigneur, dragons et vous abîmes » sans ajouter : louez le Seigneur du fond des eaux. Or, c’est aux eaux qu’appartiennent les abîmes, qui de la terre louent le Seigneur, ainsi que les reptiles et les oiseaux dont les hymnes s’élèvent également de la terre. D’après ce sens général du mot terre qui se retrouve encore dans le passage où Dieu est appelé le créateur du ciel et la terre, c’est-à-dire, de l’univers, ou voit qu’il est juste d’assigner la terre pour origine commune à tous les êtres tirés soit les eaux soit de la terre proprement dite.

CHAPITRE II. COMMENT DIEU PRONONÇA-T-IL LES PAROLES « IL N’EST PAS BON QUE L’HOMME SOIT SEUL ? »


3. Examinons maintenant comment ont été prononcées les paroles : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Dieu a-t-il fait entendre une suite de syllabes et de mots ? L’Écriture ne fait-elle qu’exposer la raison selon laquelle la formation de la femme était décidée en principe dans le Verbe, raison que l’Écriture exprimait déjà par ces mots : « Dieu dit que telle ou telle œuvre se fasse » lorsque tout fut primitivement créé ? Est-ce dans l’esprit même de l’homme que Dieu fit entendre ces paroles, comme lorsqu’il parle au cœur de ses serviteurs ? Tel était le Psalmiste qui a dit : « J’écouterai ce que dit au-dedans de moi le Seigneur[4]. » L’homme aurait-il reçu intérieurement la révélation de ce fait par l’entremise d’un Ange, qui aurait représenté les paroles par des

  1. Gen. 2, 18-24
  2. Gen. 2, 18-24
  3. Liv. 6, ch. 5
  4. Ps. 83, 9