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rayonnement des luminaires et des étoiles, la succession des jours et des nuits, le mouvement des eaux à la surface et autour du globe fondé sur elles, l’équilibre de l’atmosphère répandue au-dessus de la terre ; l’origine, la naissance, le développement la vieillesse et la mort des animaux et des plantes ;, bref tous les phénomènes qui s’accomplissent chez les êtres par les mouvements naturels de l’organisation. À l’action volontaire se rattachent la création et la transmission des signes du langage, les travaux de la campagne, le gouvernement des états, la culture des arts, enfin tous les actes qui s’accomplissent soit dans la cité céleste, soit dans la société des hommes ici-bas, où les méchants même a leur insu travaillent dans l’intérêt des bons : Cette double action de la Providence éclate chez l’homme considéré en lui-même : physiquement, dans la suite de mouvements qui le font naître, croître et vieillir ; moralement, dans les penchants qui le portent à se nourrir, à se vêtir, et à se conserver. L’âme elle-même obéit à une impulsion naturelle pour vivre et pour sentir ; elle agit sous l’influence de la volonté pour apprendre et pour juger.
18. Consacrée à un arbre, la culture a pour but de lui donner par un travail extérieur, tout le développement de ses propriétés intrinsèques chez l’homme, l’hygiène seconde extérieurement le travail que la nature accomplit dans l’intérieur du corps, et la science donne les moyens extérieurs de rendre l’âme heureuse au-dedans. Néglige-t-on la culture d’un arbre ? Les effets sont analogues à ceux que produit, dans le corps, l’indifférence pour l’hygiène, dans l’âme, la nonchalance à s’instruire ; les ravages qu’une humidité maligne cause dans un arbre, des aliments délétères les exercent dans le corps, et les maximes de l’injustice dans l’âme. C’est ainsi que le Dieu qui domine tout, qui a créé et qui gouverne tout, a établi dans la nature des lois excellentes et a soumis fautes les volontés aux règles de la justice. Quelle conséquence y a-t-il donc à admettre que l’homme a été établi dans le paradis pour se livrer à la culture de la terre, si elle entraînait alors pour lui non un travail d’esclave, mais les plus nobles jouissances de l’âme ? Y a-t-il une occupation plus innocente, quand on a du loisir, plus féconde en méditations sublimes, quand on est éclairé ?

CHAPITRE X. SUR LE SENS ATTACHÉ AUX MOTS cultiver ET garder.


19. « Dieu mit l’homme dans le jardin pour garder. » Mais garder quoi ? Serait-ce le jardin lui-même ? Contre qui ? A coup sûr il n’y avait à craindre ni empiétements de voisin, ni chicane à propos de limites, ni attaque de voleur ou de brigand. Comment donc concevoir que l’homme ait réellement gardé un parc véritable L’Écriture ne dit point qu’il devait garder et cultiver le Paradis ; elle emploie les deux mots absolument : « pour garder et cultiver » Une traduction littérale du grec donnerait : posui eum in Paradiso operari eum et custodire. L’homme a-t-il été placé dans le paradis pour travailler, ou, comme semble le croire l’interprète qui a traduit « ut operaretur » ou pour travailler le Paradis lui-même ? Le tour est équivoque. Il semblerait qu’il eût fallu ici faire du mot Paradis non un complément direct, mais un complément de lieu et dire : « afin de travailler dans le Paradis. »
20. Toutefois, dans la crainte que l’expression « travailler le jardin » ne soit la véritable et ne rappelle le passage : « Il n’y avait point d’homme pour travailler la terre » examinons ces paroles dans les deux sens qu’elles peuvent offrir. J’admets donc d’abord qu’on puisse dire que l’homme fut introduit dans l’Eden « afin de garder dans le Paradis. » Qu’y avait-il à garder dans le Paradis ? Je ne parle pas du travail d’Adam : la question vient d’être traitée. Devait-il garder dans son cœur le principe qui rendait la terre docile à ses travaux ; en d’autres termes, devait-il obéir au commandement divin avec la même complaisance que la terre se laissait cultiver par ses mains, afin qu’elle produisit pour lui les fruits de la soumission au lieu des épines de la révolte ? En réalité, il ne voulut pas imiter la docilité du jardin qu’il cultivait, et, pour sa peine, reçut un sol ingrat comme lui : « Il te donnera, dit l’Écriture, des épines et des chardons. »
21. Si on adopte le second sens, d’après lequel Adam aurait travaillé et gardé le jardin, on s’explique la première expression par ses travaux d’agriculture tels que nous les avons exposés mais comment expliquer la seconde ? Il ne gardait pas le jardin contre des voleurs ou des ennemis qui n’étaient point encore apparus : peut-être le