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qu’en principe au sein de cette créature qui n’est pas même nommée. La mention de cette créature était d’autant plus indispensable, qu’elle aurait formé une œuvre achevée, et qu’elle n’aurait plus eu besoin d’être créée d’après la cause primordiale destinée à la produire.

CHAPITRE XXIII. LA CAUSE VIRTUELLE DE L’ÂME HUMAINE A-T-ELLE ÉTÉ DÉPOSÉE DANS LES ESPRITS ANGÉLIQUES ?


34. Serait-ce dans la lumière du jour primitif, si par là on est fondé à entendre une force intelligente, que Dieu renferma implicitement, quand il créa l’homme à son image, le principe dont l’âme humaine devait se former ? Aurait-il établi ainsi la cause et la raison selon lesquelles il formerait l’âme après la période des sept jours, de telle sorte qu’il aurait créé dans l’élément terrestre la cause virtuelle du corps, dans la force intelligente du jour primitif la cause virtuelle de l’âme ? Mais que signifie au fond ce langage, sinon que l’esprit angélique est comme le père de l’âme humaine dont il contient le principe, au même titre que l’homme contient les germes de sa postérité ? L’homme serait donc le père du corps, l’ange celui de l’âme, et Dieu, créateur du corps et de l’âme, formerait le premier dans l’homme, le second chez l’ange ? Ou bien encore Dieu aurait-il formé un premier corps et une première âme, l’un de la terre, l’autre de l’esprit angélique, c’est-à-dire des substances où il avait d’abord mis les causes virtuelles de l’un et de l’autre, quand il créa l’homme en même temps que toutes ses œuvres ; et aurait-il dorénavant fait sortir l’homme de l’homme, le corps du corps, l’âme de l’âme ? On est surpris sans doute d’entendre appeler l’âme fille d’un ange ou des Anges : mais il serait plus étrange encore d’y voir la fille du ciel étoilé, à plus forte raison de la terre ou de la mer. Si on regarde comme invraisemblable que l’âme ait été créée virtuellement dans l’essence des anges, il serait plus invraisemblable encore de croire que ce principe fût déposé dans une substance matérielle, au moment où Dieu fit l’homme à son image, antérieurement à l’époque où le corps fut formé du limon de la terre et animé du souffle divin. 235

CHAPITRE XXIV. L’ÂME A-T-ELLE ÉTÉ CRÉÉE AVANT D’ÊTRE ASSOCIÉE AUX ORGANES


35. Voyons donc si on ne pourrait donner une autre explication à la fois vraie et moins éloignée des opinions communes ; la voici. Parmi les œuvres qu’il fit simultanément, Dieu créa l’âme humaine en réservant le moment où il l’unirait par son souffle aux organes formés du limon de la terre, de même qu’il créa la cause virtuelle dont il devait faire sortir le corps humain, quand le moment de le former serait venu. En effet, l’expression suivant laquelle Dieu fit l’homme à son image ne peut s’appliquer qu’à l’âme ; les termes de mâle et de femelle ont trait évidemment au corps. On peut donc admettre, sans contredire l’Écriture et sans choquer la raison, que lors de la formation de l’homme au sixième jour, la cause virtuelle du corps était renfermée dans les éléments matériels ; tandis que l’âme créée comme le jour primitif, était restée enveloppée dans les œuvres de Dieu jusqu’au moment marqué où le souffle divin l’associa au corps formé du limon de la terre.

CHAPITRE XXV. L’ÂME, EN SUPPOSANT QU’ELLE AIT EXISTÉ HORS DU CORPS, S’EST-ELLE SPONTANÉMENT ASSOCIÉE AUX ORGANES ?


36. Mais ici se présente encore une question intéressante. Supposons que l’âme était déjà créée et qu’elle avait une vie mystérieuse, où pouvait-elle trouver une existence plus heureuse ? Pourquoi associer l’existence innocente de l’âme à celle du corps, où elle pouvait par le péché offenser le Créateur et encourir ainsi la peine du travail et le supplice de la damnation ? Faut-il dire qu’elle a été poussée par un mouvement volontaire à prendre la direction du corps, et qu’en adoptant un mode d’existence compatible avec la justice comme avec l’iniquité, elle se soumettait aux conséquences de la liberté, la récompense pour le bien, le châtiment pour le mal ? Cette opinion ne contredirait en rien la parole de l’Apôtre : « Avant leur naissance ils n’avaient rien fait de bien ni de mal[1]. » En effet ce penchant qui aurait entraîné la volonté vers le corps ne saurait être un des ac

  1. Rom. 9, 14