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CHAPITRE XVII. POURQUOI DIEU SOUFFLA-T-IL SUR LA FACE L’HOMME ?


23. C’est vers la région du front que se trouve placée la première partie du cerveau ; centre de toutes les opérations des sens : c’est sur la face que sont disposés les appareils des sens, si l’on excepte le toucher répandu sur tout l’épiderme ; encore la voie due suit ce sens part-elle de la région antérieure du cerveau pour traverser la tête, le cou, et s’étendre le long de l’épine dorsale avec la moelle épinière dont nous parlions tout à l’heure ; par conséquent les opérations du toucher aboutissent, ainsi que tout l’organisme, à la face, où se localisent en même temps les appareils de la vue, de l’ouïe, de l’odorat et du goût. Voilà pourquoi, je pense, Dieu souffla sur la face de l’homme un souffle de vie, quand il fut fait âme vivante. La partie proéminente devait être préférée à la partie inférieure : l’une gouverne, l’autre obéit ; de la première part la sensation, de l’autre le mouvement, au même titre que la délibération précède l’acte.

CHAPITRE XVIII. DES TROIS PARTIES PRINCIPALES DU CERVEAU.


24. Comme tout mouvement qui suit la sensation dans le corps ne peut s’accomplir sans un certain intervalle de temps, et que la mémoire est indispensable à l’exercice de l’activité intelligente dans le temps, il y a trois parties fort distinctes dans l’encéphale : l’une antérieure, du côté de la face, centre des sensations ; l’autre postérieure et du côté du cou, centre du mouvement ; la troisième intermédiaire, siège de la mémoire, comme on le démontre, afin que l’homme, chez qui le mouvement succède à la sensation, ne soit pas dans l’impossibilité d’associer ses actes en oubliant sans cesse ce qu’il a fait. Les médecins pour appuyer leur théorie citent des preuves invincibles à leurs yeux : ainsi quand ces parties du cerveau sont malades ou lésées, la sensation, la locomotion, le souvenir cessent de se manifester, ce qui démontre clairement la fonction attachée à chacune de ces parties ; de plus, ce sont ces fonctions mêmes que la médecine réussit à rétablir. Toutefois, l’âme ne fait que se servir de ces organes, sans s’identifier avec eux ; elle n’est rien de tout cela : elle dirige la vie et le mouvement, et par là, elle veille sur la santé du corps et sur la conservation de cette existence que reçut l’homme, lorsqu’il fut fait âme vivante.

CHAPITRE XIX. SUPÉRIORITÉ DE L’ÂME SUR LA MATIÈRE.


25. Il faut donc, quand on demande d’où vient l’âme et qu’on cherche le principe dont Dieu à fait ce souffle qu’on appelle âme, écarter toute idée matérielle. En effet, de même que Dieu par l’excellence de son être s’élève au-dessus de toute créature, de même l’âme par la dignité de la nature surpasse tous les corps. Il est vrai que la lumière et l’air, les éléments les plus subtils de la création, bien plus faits pour agir que pour recevoir des modifications comme les reçoit une masse d’eau ou de terre, lui servent d’intermédiaire pour gouverner le corps, par la même qu’ils ont plus d’affinité avec la substance spirituelle. La lumière révèle des phénomènes ; mais l’être auquel elle sert de messager ne se confond pas avec elle. Quand l’âme se sent gênée par les maladies du corps, c’est qu’elle est importunée par les obstacles que les désordres de l’organisme opposent à l’activité qu’elle déploie pour le gouverner, et la conscience de cet embarras fait toute la douleur. L’air qui circule dans les fibres nerveuses obéit à la volonté pour mouvoir les membres : il n’est pas la volonté. La partie centrale du cerveau indique les mouvements qui s’accomplissent dans les membres, afin que la mémoire les conserve : elle n’est pas non plus la mémoire. Ces fonctions cessent-elles sous l’influence d’une maladie ou d’une grave perturbation dans les organes?l’âme, privée des serviteurs qui lui révèlent les sensations ou transmettent son activité, se retire, comme si sa présence était devenue inutile. Quand elles ne cessent pas d’une manière aussi absolue que dans la mort, son activité se trouble par l’effort impuissant qu’elle fait pour rétablir le concert interrompu des organes. La partie même où son activité est confuse révèle la fonction en souffrance, afin que la médecine y applique ses remèdes.

CHAPITRE XX. DISTINCTION DE L’ÂME ET DES ORGANES.


26. La distinction de l’âme et des organes, n’éclate jamais mieux que dans ces moments où l’âme, sous l’influence d’une réflexion profonde,