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CHAPITRE XIII. DE L’OPINION DES MÉDECINS SUR LE CORPS DE L’HOMME.


20. Toutefois, si on s’en rapporte aux médecins, qui se font fort de démonter leur proposition, tout corps, quoiqu’il n’offre aux yeux qu’une masse argileuse, contient de l’air et du feu : l’air est renfermé dans les poumons et se répand du cœur par les artères ; le feu, qui comme source de chaleur a son foyer pour ainsi dire dans le foie, s’épure, se volatilise, et monte au cerveau, sous une forme lumineuse, comme au ciel du corps humain : de là jaillit l’étincelle du regard, de là comme d’un centre, partent des canaux d’une infinie délicatesse qui aboutissent non seulement aux yeux, mais encore aux oreilles, aux narines, au palais, pour transmettre les sons, les odeurs, les saveurs ; quant au toucher, répandu sur toute la surface du corps, il s’exerce par la voie de la moelle du cerveau, de la moelle épinière et de ces innombrables filets qui se détachent de la colonne vertébrale pour tapisser tous les organes.

CHAPITRE XIV. L’ÂME EST DISTINCTE DES ÉLÉMENTS.


A l’aide des sens, comme de messagers, l’âme est instruite de tous les phénomènes qui ne s’accomplissent pas sourdement dans l’organisme, mais elle est une force si distincte des sens que, lorsqu’elle entreprend d’étudier Dieu et les choses divines, ou de s’examiner elle-même et ses facultés, elle est obligée, pour arriver à la vérité et à la certitude, de fermer les yeux à la lumière ; s’apercevant que la lumière extérieure, loin de l’aider, la distrait de cette étude, elle s’élève à une contemplation toute spirituelle et se demande à quel titre elle serait de la même nature que ces éléments dont le plus subtil, à son plus haut degré, est cette flamme du regard qui ne lui sert qu’à distinguer la forme et la couleur des corps. En outre, elle trouve en elle-même des qualités sans nombre, opposées aux propriétés des corps et qui, échappant aux prises des sens, ne peuvent être perçues que par la conscience et le raisonnement.

CHAPITRE XV. L’ÂME EST IMMATÉRIELLE.


21. L’âme n’est donc pas un composé de terre, d’eau, d’air ou de feu : cependant elle gouverne l’épaisse matière qui l’enveloppe, je veux dire, ce limon transformé en chair, au moyen d’une matière plus subtile, la lumière et l’air. Ôtez en effet ces deux éléments, le corps n’a plus de sens, l’âme ne communique plus directement aux organes aucun mouvement. Mais, si la pensée précède l’action, la sensation doit aussi précéder le mouvement. Donc, l’âme étant immatérielle agit d’abord sur l’élément le moins matériel, je veux dire le feu ou plutôt la lumière et l’air ; puis elle remue par leur entremise la matière la plus épaisse du corps, j’entends l’eau mêlée de terre qui forme cette chair massive et lourde, plus susceptible de subir des modifications toutes passives que douée d’activité et d’initiative.

CHAPITRE XVI. DU SENS DES EXPRESSIONS : « L’HOMME FUT FAIT ÂME VIVANTE. »


22. Ces expressions : « L’homme fût fait âme vivante » n’indiquent, à mon sens, que la faculté de sentir au moment où elle commença à s’exercer dans le corps : la sensibilité est, en effet, la marque infaillible de la vie dans un corps animé. Les arbres obéissent à des mouvements, non seulement sous l’impulsion d’une force étrangère, comme le vent, mais encore sous l’influence de la force intérieure qui produit au-dehors tous ce qui contribue à leur forme et à leurs proportions c’est ainsi que les sucs de la terre passent dans les racines et se transforment en bois et en feuilles ; tous ces développements supposent en effet un mouvement intérieur. Mais ce mouvement n’est point spontané et ne ressemble pas à l’activité qui se communique aux sens pour diriger le corps, telle qu’on la découvre chez les animaux appelés âmes vivantes dans l’Écriture. S’il n’y avait point en nous de mouvement organique, nous ne verrions pas notre corps se développer, nos ongles et nos cheveux pousser : mais en même temps si ce mouvement n’était pas uni à la sensibilité et à l’activité spontanée, on ne saurait.direde l’homme « qu’il a été fait âme vivante. »