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CHAPITRE X. DE L’EXISTENCE SOUS SES DIFFÉRENTS MODES.


17. Mais les choses ont une existence fort différente dans le Verbe de Dieu, où elles n’ont point été créées et sont éternelles dans les éléments primordiaux de la création, où tout ce qui devait existera été créé simultanément en principe ; dans les êtres qui sortent de ces causes primitives, au moment marqué, tels qu’Adam, lorsqu’il fut formé du limon de la terre et animé parle souffle divin, ou l’herbe, quand elle poussa sur la terre ; enfin dans les semences où semblent se renouveler les causes primordiales que reproduisent les êtres même sortis de ces causes : c’est ainsi que l’herbe vient de la terre et la semence de l’herbe. De tous ces êtres celui qui est arrivé à l’existence apparaît avec les modifications qui composent la vie, et qui sont le développement effectif dans une substance réelle des causes secrètes, virtuellement contenues dans toute créature : telle fut l’herbe, après avoir poussé sur la terre, tel fut l’homme formé en être vivant, et, en un mot, les animaux ou les plantes que Dieu produit en vertu de son activité continue. Du reste, tout être contient en soi un autre lui-même, grâce à cette propriété de se reproduire qu’il tient des causes primordiales où il fut enveloppé, avant de naître sous les formes propres à son espèce, au moment où le monde fut créé avec le jour.

CHAPITRE XI. COMMENT LES ŒUVRES DIVINES AU 6e JOUR SONT-ELLES A LA FOIS COMPLÈTES ET INACHEVÉES


18. Si les œuvres primitives de Dieu, lorsqu’il créa tout ensemble, n’avaient pas été achevées, elles auraient postérieurement reçu le développement nécessaire pour les rendre complètes ; la création universelle se décomposerait en deux moitiés, pour ainsi dire, et sa perfection serait celle qui résulte dans un tout de la réunion de ces deux moitiés. D’autre part, si les œuvres avaient été achevées comme elles le sont, lorsque les êtres se développent réellement dans le temps sous une forme visible, de deux choses l’une : ou il n’en serait rien sorti avec le temps, ou elles devaient servir de principe aux créatures que Dieu ne cesse de tirer de celles qui se sont formées par le progrès du temps. Mais aujourd’hui même il y a une œuvre complète et inachevée tout ensemble dans les créatures dont les causes furent créées à l’origine, quand Dieu fit tous ses ouvrages à la fois, pour produire dans la suite des temps tous leurs effets : elles sont complètes, en ce que l’existence qu’elles acquièrent dans le cours du temps a toutes les qualités implicitement contenues dans le principe de leur espèce ; elles sont inachevées, en ce qu’elles renferment le germe d’êtres à venir qui doivent apparaître dans la suite des temps, au moment opportun. Les paroles de l’Écriture, si on y prête, attention, ont une force bien significative et nous avertissent de cette vérité. Elle proclame en effet ces ouvrages complets et tout ensemble inachevés. S’ils n’étaient pas complets, elle n’aurait point dit : « Le ciel et la terre furent donc achevés dans toute leur beauté. Et Dieu acheva le sixième jour toutes les Œuvres qu’il fit ; et Dieu se reposa le septième jour de toutes les œuvres qu’il avait faites ; et Dieu bénit le septième jour et il le sanctifia. » D’autre part, s’ils n’avaient pas été inachevés, elle n’aurait point ajouté les paroles suivantes : « Dieu se reposa de toutes les œuvres qu’il a commencé de faire. »
19. On se demandera sans doute comment Dieu a fait des œuvres à la fois complètes et inachevées : car il est impossible d’admettre qu’il ait achevé les unes, ébauché les autres ; ce sont bien les mêmes œuvres dont il se reposa le septième jour, comme on peut le voir par le passage qui précède. Selon nous, Dieu les acheva lorsqu’il créa tout à la fois, avec une telle perfection qu’il ne lui resta plus rien à créer dans l’ordre des temps qu’il ne l’eût déjà créé dans l’ordre des causes et des effets : il les laissa inachevées, en tant qu’il devait faire sortir plus tard tous les effets renfermés en puissance dans leur cause. Ainsi, « Dieu forma l’homme poudre de terre » ou limon de terre, en d’autres termes de la poudre ou du limon de la terre : il souffla sur sa face un esprit de vie, et l’homme devint une âme vivante. L’homme à ce moment ne fut pas prédestiné à naître : sa naissance était avant tous les siècles un mystère de la prescience divine ; il ne fut pas non plus créé en principe, ni avec une perfection inachevée ; il fut formé ainsi à l’origine du monde, parmi les causes primitives, au moment où elles furent créées toutes ensembles ; il fut créé, quand le temps marqué fut accompli, visiblement dans son corps, invisiblement dans son âme, ayant été composé d’une âme et d’un corps.