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ciel, au commandement de Dieu ? On n’aurait donc pas dit que « Dieu forma encore de la terre toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux des cieux » si l’on n’avait voulu exprimer que la terre avait déjà produit toutes les bêtes des champs le sixième jour, et que le cinquième les eaux avaient également produit tous les oiseaux. Il y eut donc une double création, l’une en principe et en puissance, comme il convenait à l’œuvre où Dieu créait tout à la fois, et dont il se reposa le septième jour, l’autre effective et successive qu’il continue encore aujourd’hui. Par conséquent, ce fut durant un de ces j ours produits par la révolution du soleil et semblables aux nôtres qu’Eve fut tirée de la côte de l’homme. A cette époque, en effet, Dieu forma de la terre d’autres oiseaux, d’autres animaux, et ce fut après n’avoir trouvé parmi eux aucun être semblable à Adam, et capable de l’aider, qu’il fit la femme. C’est à la même époque encore qu’il fit l’homme du limon de la terre.
8. Qu’on ne dise pas que l’homme fut créé mâle le sixième jour, femelle les jours suivants l’Écriture déclare expressément que « le sixième jour Dieu créa l’homme mâle et femelle et les bénit. » Ce fut donc encore une double création : l’une virtuelle.etcomme un germe déposé dans le monde par la parole de Dieu, lorsqu’il fit à la fois les œuvres dont il se reposa le septième jour, et qui devaient être le principe de toutes les créatures appelées à naître chacune en son temps dans la suite des siècles ; l’autre, analogue à celle d’aujourd’hui par laquelle Dieu opère dans le temps, le moment étant venu où Adam devait se former du limon de la terre, et la femme d’une de ses côtes.

CHAPITRE VI. L’AUTEUR FORMULE SON OPINION AVEC TOUTE LA NETTETÉ DONT IL EST CAPABLE, DE PEUR D’ÊTRE MAL COMPRIS.


9. En faisant deux classes des œuvres divines, et en les rattachant, les unes à ces jours invisibles où il créa tout ensemble ; les autres, aux siècles qui en naquirent, et dans la suite – desquels – il fait journellement sortir les êtres des germes primitifs où ils sont comme enveloppés, j’aurai eu beau suivre avec discrétion et sans inconséquence les paroles de l’Écriture qui seules m’ont conduit à faire cette distinction, je n’en dois pas moins prendre garde d’être mal compris en un sujet difficile à saisir, et dont les esprits lents sont incapables d’atteindre la hauteur, et j’ai à craindre de me voir prêter des pensées ou des paroles auxquelles j’ai la conscience de n’avoir jamais songé. Quelque attention que j’aie mise, dans les développements qui précèdent, à prévenir toute confusion dans l’esprit des lecteurs, je suis bien convaincu qu’une foule d’entre eux, loin d’y voir clair, s’imaginent que, dans la création simultanée, l’homme reçut la vie et fut capable de discerner, de comprendre et de saisir la parole divine : « Voici que je vous ai donné toute herbe portant semence. » Qu’on veuille bien ne me prêter ni une pareille idée, ni un pareil langage.
10. En revanche, si je prétends que, dans la création primitive et simultanée, l’homme, loin d’avoir atteint le développement de l’âge mur, était moins qu’un enfant qui vient de naître, moins qu’un embryon dans le sein maternel, moins que le germe visible dont il naît, on pensera peut-être que c’est un rêve de métaphysicien. Qu’on revienne alors à l’Écriture : on y verra que le sixième jour l’homme fut créé à l’image de Dieu, et créé mâle et femelle. Qu’on poursuive et qu’on demande à quelle époque fût formée la femme ; on trouvera qu’elle fut formée en dehors des six jours : car, elle fut faite à l’époque où Dieu fit produire, à la terre de nouvelles bêtes des champs, d’autres oiseaux du ciel ; et non au moment où les eaux produisirent les oiseaux, et la terre, les animaux vivants auxquels se rattachent les bêtes des champs. Or, c’est à cette dernière époque que l’homme fut créé mâle, et femelle : l’homme fut donc créé à deux moments différents. On ne saurait dire en effet qu’il fut créé le sixième jour et qu’il ne le fut pas ensuite, ou, réciproquement, que les uns furent créés le sixième jour, les autres plus tard : il n’y eut qu’un seul couple créé à deux époques différentes. Par quel secret, me demandera-t-on ? Je répondrai que l’homme ne reçut qu’après le sixième jour cette forme visible et cette organisation particulière à l’espèce humaine et que le premier couple naquit sans parents, l’homme du limon de la terre, la femme de ses côtes. Et comment y étaient-ils contenus dira-t-on ? Virtuellement, répondrai-je, en puissance ; bref, ils naquirent selon la loi qui d’un être possible fait un être réel.
11. On ne me comprendra peut-être plus ; car je fais abstraction de toute idée physique, je dépouille