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c’est à l’origine des temps, quand se fit le jour, que fut créé le monde et que furent déposés à la fois dans ses éléments les germes dont les plantes ou les animaux devaient sortir dans la suite des temps. Car, il ne faut pas croire que les astres mêmes aient été d’abord virtuellement créés dans les éléments de l’univers, pour se composer avec le temps, et apparaître enfin tels qu’ils brillent dans les cieux : tout a été créé ensemble dans la période marquée par le nombre parfait six, au moment où le jour se fit. L’homme fut-il donc créé comme eux dans sa grandeur naturelle, tel qu’il vit, et qu’il pratique le bien ou le mal ? Ou bien aurait-il été formé en puissance, comme l’herbe des champs, pour naître plus tard et devenir avec le temps l’être qui fut formé de la poussière ?

CHAPITRE II. VÉRIFICATION DE L’HYPOTHÈSE D’APRÈS L’ENSEMBLE DU PASSAGE DE L’ÉCRITURE.


3. Admettons comme vrai que l’homme fut formé au sixième jour du limon de la terre dans sa perfection naturelle, et que l’Écriture comble cette lacune en reprenant son récit. Voyons donc s’il y a accord entre elle et notre opinion. Dans le récit du sixième jour, elle s’exprime ainsi : « Et Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ; et qu’il domine sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur les animaux domestiques, sur toute la terre et sur tout reptile qui rampe sur la terre. Et Dieu créa l’homme : il le créa à l’image de Dieu ; il le créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit et leur dit : Croissez et multipliez-vous, remplissez la terre et assujettissez-la ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques, sur la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre[1]. » Par conséquent l’homme était déjà formé de la poussière, la femme avait déjà été formée d’une de ses côtes pendant son sommeil ; mais ces œuvres n’avaient point été décrites alors dans l’Écriture, et elle revient sur son récit pour le compléter. Le sixième jour en effet, Dieu, loin de créer l’homme, en laissant a la femme le temps nécessaire pour naître, « créa l’homme et le créa mâle et femelle : et il les bénit. » Mais alors comment la femme fut-elle créée pour lui, lorsqu’il eut été déjà placé dans le Paradis ? Y aurait-il encore là une omission que répare l’Écriture ? C’est le même sixième jour, en effet, que le Paradis fut planté, que l’homme y fut établi, puis endormi pour que fa femme fût formée, enfin qu’il s’éveilla et lui donna le nom d’Eve. Or tout cela ne peut se faire que successivement ; ces œuvres sont donc distinctes de la création où tout fut simultané.

CHAPITRE III. EXAMEN DU MÊME SUJET D’APRÈS D’AUTRES PASSAGES DE L’ÉCRITURE.


4. Supposé que Dieu ait composé cet ouvrage en même temps que tous les autres, avec une facilité aussi grande qu’on voudra ; il n’est pas moins certain que les paroles exigent une certain temps pour sortir de la bouche d’un homme. Quand donc nous entendons l’homme donner un nom aux animaux, à sa femme et ajouter même « C’est pourquoi l’homme laissera son père et sa mère et s’unira à sa femme, et ils ne formeront qu’une même chair[2] » quels que soient les sons qu’il ait fait entendre, il n’a pu prononcer deux syllabes en une seule émission de voix : à plus forte raison tous ces évènements n’ont-ils pu s’accomplir à la fois, au moment où la création se fit dans son ensemble. Alors de deux choses l’une : ou toutes les choses n’ont point été faites simultanément à l’origine des siècles, et par conséquent ont été créées dans des périodes successives et régulières, quand le jour primitif, phénomène physique et non intellectuel, ramenait le soir et le matin, soit par une mystérieuse révolution de la lumière, soit par la contraction et la dilatation des rayons lumineux ; ou bien l’on regarde comme plausible, d’après les raisons ci-dessus développées, l’opinion que le jour transcendantal et primitif fut une lumière toute spirituelle, appelée jour, et initiée successivement aux mystères de la création, dans un ordre logique représenté par le nombre six ; on trouve cette opinion conforme aux paroles qu’ajoute l’Écriture : « Quand le jour fut fait, Dieu fit le ciel et la terre, et toute la verdure des champs avant qu’elle poussât sur la terre, et l’herbe des champs avant qu’elle prit naissance[3]; enfin, on en voit la confirmation dans cet autre témoignage des livres saints : « Celui qui vit à jamais, a tout créé en même temps[4]; » dans ce cas, il est incontestable que la formation de l’homme

  1. Gen. 1, 26-28
  2. Gen. 2, 24
  3. Id. 4, 6
  4. Sir. 18, 1