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vils et les plus grossiers des atomes ne le sont pas moins ?

CHAPITRE XXII. PREUVES DU GOUVERNEMENT DE LA PROVIDENCE.


43. Si les philosophes qui nient cette vérité et ne veulent pas se rendre à l’autorité de l’Écriture, si haute qu’elle soit, étudiaient cette partie de l’univers, où ils voient les aveugles mouvements du hasard plutôt que la direction d’une sagesse supérieure, en abusant, pour donner à leur thèse l’apparence d’une démonstration, de l’argument fondé sur les variations atmosphériques, ou même sur la disproportion qui règne ici-bas entre les mérites et le bonheur ; s’ils examinaient la structure du corps des animaux et en voyaient l’ordre, non avec les yeux d’un médecin que son art oblige à désigner et à observer minutieusement les moindres organes, mais avec l’intelligence et le cœur d’un homme ordinaire ; ne s’écrieraient-ils pas que Dieu, principe de toute proportion, de toute symétrie, de tout équilibre, ne cesse pas même un instant de diriger la nature ? N’est-ce pas le comble de la déraison et de l’extravagance, que de ne pas voir la direction de la Providence dans une partie de l’univers où les plus petits des êtres ont une organisation si belle, si parfaite, qu’une analyse un peu attentive inspire une admiration qui terrasse et qui confond ? Si, d’autre part, l’âme est supérieure au corps par sa nature, y a-t-il rien de plus insensé, que de se figurer la Providence indifférente à la conduite des hommes, quand elle fait briller avec tant d’éclat sa sagesse dans la structure de leurs organes ? D’où vient cette illusion ? C’est que les petites choses, étant à la portée de nos sens et faciles à découvrir, laissent apercevoir l’ordre de la nature ; tandis que d’autres, dont l’ordre nous échappe, ne sont que confusion aux yeux des sensualistes, qui n’admettent rien au-delà du domaine de l’expérience, ou qui, s’ils admettent quelque chose, le conçoivent à l’image, de ce qu’ils voient d’ordinaire.

CHAPITRE XXIII. COMMENT PEUT-ON CONCILIER LA SIMULTANÉITÉ DE LA CRÉATION AVEC LE GOUVERNEMENT ACTUEL DE LA PROVIDENCE ?


44. Pour nous, dont la divine Providence dirige les pas et qu’elle empêche de tomber dans l’erreur, au moyen de la sainte Écriture, cherchons à pénétrer plus avant avec le secours divin, dans les œuvres que Dieu créa toutes à la fois, lorsqu’il les acheva et qu’il se reposa, et qu’il produit aujourd’hui avec cette suite que comporte le temps, Considérons la beauté d’un arbre dans son tronc, ses rameaux, son feuillage, ses fruits. Cet arbre, avec ses proportions et ses propriétés, ne s’est pas, formé tout d’un coup, il s’est développé dans l’ordre que nous connaissons : il s’est épanoui sur une racine qu’un germe avait d’abord fixée dans le sol, puis cette tige a grandi et s’est organisée. Or, ce germe vient d’une semence ; cette semence contenait donc toutes les parties de l’arbre, non en acte et avec leur grandeur naturelle, mais en puissance. Cette grandeur s’est formée sans doute avec les sucs féconds de la terre, mais elle n’en prouve que mieux la force supérieure et merveilleuse qui, renfermée dans une graine presque imperceptible, a transformé les sucs mêlés au sol environnant, comme une matière première, et leur a donné la solidité du bois avec la vertu de s’étendre en une foule de rameaux, avec la verdure et la variété des feuilles, la figure et le nombre des fruits, en un mot cette ordonnance admirable de toutes les parties qui composent un arbre. Pourrait-il y naître une feuille, y pendre un fruit qui ne sorte du trésor mystérieux caché dans la semence ? Or, cette semence vient d’un autre arbre, lequel est sorti d’une autre semence ; parfois aussi un arbre naît d’un arbre, quand on en sépare un rameau et qu’on le replante. Ainsi la, semence vient de l’arbre, et l’arbre de la semence ou de l’arbre même. La semence encore ne peut sortir d’une autre semence que par l’intermédiaire d’un arbre, tandis que l’arbre peut se reproduire sans semence. Ils sont donc réciproquement cause l’un de l’autre, et prennent également naissance dans la terre ; et comme la terre n’en provient pas, elle leur sert d’élément primitif et générateur. Il en est de même des animaux : on peut douter si la semence vient d’eux-mêmes ou s’ils viennent de la semence ; mais, quelle que soit la première de ces causes, toutes deux ont évidemment une origine commune dans la terre.
45. Ainsi donc une graine contient invisiblement toutes les parties qui, avec le temps, doivent former un arbre : il faut concevoir de la même manière que le monde, à l’instant où Dieu créa tous les êtres à la fois, renfermait l’ensemble