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lacs, mais en courant, comme les rivières, dans un lit sinueux qu’elle franchissait pour inonder les alentours, pourra-t-on ne pas concevoir.unpareil phénomène, à moins d’avoir le travers d’un esprit pointilleux ? Il est naturel de penser qu’il est dit de la terre qu’elle était arrosée sur toute sa surface comme on dit d’une robe à raies qu’elle est tout teinte, d’autant plus que la terre dans sa nouveauté, tout en étant accidentée, se composait probablement de vastes plaines où les eaux pouvaient courir et se répandre en liberté.
26. Qu’elle a été la grandeur de cette source ou comment s’est-elle multipliée ? Est-ce parce qu’elle jaillissait quelque part d’un seul jet, ou qu’elle forme dans les profondeurs de la terre un vaste et unique réservoir, d’où s’échappent les eaux de tous les sources grandes et petites, que l’Écriture a parlé d’une source qui sortait de la terre, en se partageant de tous tes côtés, et qui arrosait la surface du globe ? Ou bien n’est-il pas plus probable que le singulier a été mis pour le pluriel, puisque le mot est employé sans indication de nombre: fons et non pas unus fons; et qu’ainsi il faudrait entendre par là une multitude de sources qui arrosaient, sur différents points du globe, celles-ci une contrée, celles-là une autre ; comme on dit le soldat pour désigner une armée, comme l’Écriture elle-même signale parmi les plaies de l’Egypte la grenouille et la sauterelle[1], quoiqu’il y en eût un nombre incalculable ? Le problème ainsi posé ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête plus longtemps.

CHAPITRE XI. LA CRÉATION FUT INSTANTANÉE, LE GOUVERNEMENT DU MONDE NE PEUT L’ÊTRE.


27. Revenons donc avec une attention nouvelle à la théorie que nous avons déjà présentée, afin d’en vérifier l’exactitude dans tous les détails nous avons dit que Dieu, lorsqu’il créa primitivement les êtres et fit les œuvres dont il se reposa le septième jour, n’agit pas de la même manière qu’il agit encore aujourd’hui en réglant l’ordre de l’univers. Alors, en effet, il créa tout à la fois sans le moindre intervalle de temps : aujourd’hui il agit dans ces périodes régulières selon lesquelles les astres exécutent leurs mouvements d’orient en occident, le ciel passe de l’été à l’hiver, et les plantes, sous l’influence de la température, poussent, croissent, verdissent et se dessèchent ; chez les animaux mêmes la gestation et l’enfantement sont soumis à des époques fixes, et leur existence traverse différents âges avant d’atteindre la vieillesse et la mort. Or, quel est l’auteur de ces mouvements dans la nature, sinon Dieu, encore qu’il n’y soit pas soumis lui-même ? Le temps, en effet, n’a pas de prise sur lui. L’Écriture a donc distingué entre les œuvres de Dieu, celles dont il se reposa le septième jour, et celles qu’il accomplit encore aujourd’hui : elle arrête son récit, pour avertir qu’elle a exposé les premières et qu’elle va expliquer les secondes dans leur ordre. « Voici, dit-elle, le livre des origines du ciel et de la terre, quand Dieu fit le ciel et la terre, toute la verdure des champs avant qu’il y en eût sur la terre, toutes « les herbes de la terre avant qu’elles eussent poussé. « Car Dieu n’avait point encore fait pleuvoir sur la terre et il n’y a point d’homme pour la travailler. » Ici commence l’exposition des nouveaux actes de Dieu : « Une source jaillissait de la terre et en arrosait toute la surface. » Cette source et les autres œuvres dont parle désormais l’Écriture, se font dans une durée successive, et non toutes ensemble.

CHAPITRE XII. DU TRIPLE POINT DE VUE SOUS LEQUEL ON DOIT CONSIDÉRER LES ŒUVRES DE DIEU.


28. La création offre donc un point de vue tout différent, selon que l’on considère le type éternel des êtres dans le Verbe de Dieu, les ouvrages composés avant le repos du septième jour, enfin les mouvements que Dieu accomplit aujourd’hui encore dans l’univers. De ces trois ordres de choses, le dernier seul nous est découvert par les sens et par l’expérience. Quant aux deux autres, si élevés au-dessus du domaine des sens et des idées naturelles à l’esprit humain, il faut d’abord y croire sur l’autorité de la parole divine, puis, à l’aide de nos connaissances, chercher à les comprendre avec plus ou moins de succès, selon la portée de notre esprit et l’abondance des grâces divines.

CHAPITRE XIII. AVANT D’ÊTRE CRÉÉS, TOUS LES ÊTRES ÉTAIENT DANS LA SAGESSE DE DIEU.


29. Sur ces principes divins, immuables, éternels, que la Sagesse de Dieu, par qui tout a été fait, connaissait avant qu’ils eussent été réalisés dans l’univers, l’Écriture s’exprime en ces termes : «

  1. Ps. 104, 34