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Pour vous, marchez sous la conduite de l’Écriture, qui ne vous laisse point à votre faiblesse etqui, comme une mère, sait ralentir ses pas avec le vôtre. Son langage, en effet, a une hauteur qui étonne l’orgueil, une profondeur qui épouvante les esprits attentifs, une vérité qui soutient les forts et une grâce qui nourrit les plus petits.

CHAPITRE IV. EN QUEL SENS EST-T-IL DIT QUE L’HERBE FUT FAITE AVANT DE POUSSER ?


7. Que signifient donc les paroles qui suivent dans cet ordre : « Lorsque le jour fut fait, Dieu fit le ciel et la terre, et toute la verdure des champs, avant qu’il y en eût sur la terre, et l’herbe des champs avant qu’elle y poussât ? » Que signifient, dis-je, ces paroles ? Faut-il examiner le temps, le lieu où la végétation se fit, avant d’exister sur la terre, avant d’y avoir poussé ? Ne serait-il pas naturel de croire que Dieu la fit, non avant qu’elle poussât, mais au moment même qu’elle prit naissance, si l’on n’était prévenu par la parole divine qu’elle fut faite avant de pousser ? Par conséquent, fût-on incapable de découvrir où et quand elle se fit, on ne laisserait pas de croire pieusement, sur la foi de l’Écriture, qu’elle fut faite avant de naître : ne pas croire à l’Écriture étant une impiété.
8. Que dire ? Faut-il admettre ici l’opinion assez répandue que tout a été fait dans le Verbe de Dieu avant de naître sur la terre ? Mais si tout a été fait dans le Verbe, tout a été fait avant la naissance du jour, et non au morfient où le jour fut créé. Or l’Écriture dit en termes exprès.« Quand le jour fut fait, Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs avant qu’elle existât sur la terre, et toute l’herbe avant qu’elle poussât. » Donc cette création a eu lieu avec le jour, loin de lui être antérieure : par conséquent, elle ne s’est point faite au sein du Verbe coéternel à son Père, avant toute époque et toute créature, mais au moment où le jour se fit. Les idées qui, antérieurement à toute créature, subsistent dans le Verbe, ne sont point faites au moment où naquit le jour, selon le témoignage formel de l’Écriture. Et cependant herbe et la verdure furent faites avant d’exister et de pousser sur la terre.
9. Où donc furent-elles créées ? Serait-ce dans la terre conçue comme leur cause et leur principe, au même titre que les germes contiennent les êtres avant qu’ils se développent et acquièrent leurs proportions et leurs formes avec le temps ? Mais ces germes que nous voyons sont déjà sur la terre, ils ont déjà pris naissance. Étaient-ils donc alors cachés sous la terre, et peut-on dire que les plantes furent faites avant de naître, en ce sens qu’elles prirent naissance, quand les germes se gonflèrent et s’épanouirent en plein air, pour y croître dans les proportions que la nature assigne aujourd’hui à leur développement ? Ce seraient donc les germes qui auraient été créés avant la naissance du jour et qui auraient contenu les plantes et la verdure des champs, non sous la forme qu’elles prennent quand elles poussent sur la terre, mais intérieurement et en vertu de la fécondité naturelle à toute semence ? La terre aurait donc commencé par produire les germes eux-mêmes ? Mais l’Écriture tenait un langage bien différent, quand elle disait « La terre produisit l’herbe portant semence selon ses espèces, des arbres fruitiers portant du fruit et ayant leur semence en eux-mêmes sur la terre. » Ces paroles montrent clairement que les semences furent produites par les herbes et les arbres, et que la végétation, loin de sortir de semences primitives, prit naissance dans la terre. La meilleure raison qu’il en fut ainsi, c’est que l’Écriture l’affirme ; car elle ne dit pas : que les semences produisent l’herbe et la végétation, mais que : « la terre produise l’herbe portant semence » c’est exprimer bien clairement que la semence vient de l’herbe, et non l’herbe de la semence. « Et il en fut ainsi, « et la terre produisit de l’herbe portant semence » en d’autres termes, le commandement se réalisa dans l’esprit des Anges, puis la terre se mit à produire, afin que la parole divine reçut son accomplissement dans le monde physique.
10. Quelle est donc cette création qui a précédé l’apparition des herbes sur la terre ? Quelle différence y avait-il pour elles à se faire en même temps que le ciel et la terre, lors de la naissance de ce jour mystérieux que Dieu créa à l’origine, ou à pousser leur jet sur la terre dans l’espace de temps nécessaire à chaque espèce, et mesuré sur le cours du soleil ? Si ce jour mystérieux existe, s’il n’est que la lumière qui éclaire et unit la société des Vertus et des anges au plus haut des cieux ; il est évident que les esprits célestes connaissent