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CHAPITRE II. POURQUOI L’ECRITURE A-T-ELLE AJOUTÉ L’EXPRESSION : « TOUTE LA VERDURE DE LA TERRE ? »


4. Comme les mots ciel, terre désignent dans le langage de l’Écriture l’ensemble de la création, ou peut se demander à quoi servent les expressions qu’elle ajoute : « Et toute la verdure de la « terre. » Selon moi, elles servent à déterminer le jour dont l’Écriture veut parler, lorsqu’elle dit : « Quand ce jour fut fait. » On aurait été tenté, en effet, d’y voir un jour semblable à cette succession du jour et de la nuit que la lumière physique produit par sa révolution : mais quand la pensée se rapporte sur la suite des œuvres divines et qu’on trouve que toute la verdure des champs a été créée le troisième jour, avant la formation du soleil quine parut que le quatrième, et dont la présence sur l’horizon nous vaut le jour actuel ; quand on entend ensuite l’Écriture dire : « lorsque le jour fut fait, Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs » il faut bien alors voir dans ces paroles un avertissement que le jour était produit soit par une lumière physique inconnue aux hommes, soit par une lumière toute intellectuelle répandue dans la société des anges : qu’en tout cas il ne ressemblait point à celui d’aujourd’hui et qu’il faut.euconcevoir un autre par un effort de la, raison.

CHAPITRE III. LA CRÉATION A ÉTÉ SIMULTANÉE : PREUVE TIRÉE DE CE PASSAGE COMPARÉ AU RÉCIT PRÉCÉDENT.


5. Une autre question se présente ici naturellement. L’Écriture pouvait dire : Voici le livre des origines du ciel et de la terre, quand Dieu créa le ciel et 1a terre. Ces expressions nous auraient rappelé tous les êtres que renferme le ciel' et la terre ; car l’Écriture désigne ordinairement sous les noms de ciel et de terre, auxquels parfois elle joint celui de la mer, l’ensemble de la création ; et quelquefois même elle dit expressément : « Le ciel, la terre et tout ce qu’ils renferment[1] : » par conséquent, à toutes les idées qu’éveillent ces mots nous aurions associé tell ##Rem d’un, jour ; soit primitif, soit semblable à celui que le soleil produit par sa révolution. Mais loin de s’exprimer ainsi, l’Ecrivain sacré fait intervenir l’idée de jour qu’il place entre les deux autres. Il ne dit point : C’est ici le livre de la création du jour, du ciel et de la terre, comme il aurait fait s’il avait suivi l’ordre historique ; il ne dit pas non plus : C’est ici le livre de la création du ciel et de la terre, lorsque Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs ; enfin il n’emploie pas ce tour : C’est ici le livre de la création du ciel et de la terre, lorsque Dieu fit le jour, le ciel et la terre et la verdure des champs. Il ne se sert pas de ces formes de langage les plus usitées, et s’exprime ainsi : « C’est là le livre des origines du ciel et de la terre, quand le jour fut « fait, et que Dieu fit le ciel et la terre avec toute la verdure des champs » comme s’il voulait nous révéler que Dieu fit le ciel et la terre avec la verdure des champs à la même époque qu’il fit le jour.
6. Or dans le récit qui ouvre la Genèse, l’Écriture nous révèle la création d’un jour primitif et elle le compté : puis elle cite le deuxième, où le firmament fut créé ; le troisième où la terre et la mer parurent sous leurs formes déterminées et où la terre produisit ses arbres et ses plantes. Ne voit-on pas ici apparaître clairement cette simultanéité dans la création divine, que j’ai cherché à prouver plus haut, puisque la période des six jours, où l’Écriture expose avec ordre la création et l’achèvement des œuvres de Dieu, se résume à présent en un seul jour qui comprend la formation du ciel et de la terre et la naissance de la végétation ? On ne saurait voir ici un jour semblable auxnôtres.ilsuffit, comme je viens de le dire, de se rappeler qu’antérieurement à la révolution diurne du soleil, Dieu commanda à la terre de produire ses plantes et sa verdure. Ainsi donc la simultanéité de la création n’est plus une vérité empruntée à un autre livre de l’Écriture[2] : à la seconde page de la Genèse, nous trouvons un témoignage qui nous invite à remonter jusqu’à ce principe, dans ces paroles : « Quand le jour fut fait, Dieu fit le ciel et la terre « avec la verdure des champs. » Concevezdonc.bienque ce jour s’est renouvelé sept fois pour produire les sept jours ; puis en entendant dire qu’au moment où le jour se fit tout se fit du même coup, essayez, si vous le pouvez, de comprendre que ce renouvellement s’est accompli en dehors de la succession lente et régulière du temps ; si vous ne pouvez aller jusque-là, abandonnez ces théories à la méditation des esprits capables de les entendre.

  1. Ps. 145, 6
  2. Sir. 18, 1