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comme sans fin, il est éternel ; et puisqu’il s’est reposé de toutes ses œuvres en ce sens qu’il pouvait se passer d’elles, on conçoit que le repos n’admette en Dieu aucun terme où il commence et où il expire. On peut dire cependant que le repos pris par lui à la suite de ses œuvres coïncide avec l’achèvement même de la création ; car Dieu ne se serait pas reposé, avant qu’elles fussent composées, de ces œuvres inutiles à sa félicité, et dont la perfection même lui était indifférente : de plus, comme il n’a jamais en besoin – de ces œuvres, et que la félicité qui le rend indépendant de ses créatures ne peut croître, ni s’achever par conséquent, on comprend pourquoi le septième jour n’a point eu de soir qui en marquât la fin.

CHAPITRE XX. LE SEPTIÈME JOUR EST-IL UNE CRÉATION SPÉCIALE ?


37. Une question non moins haute, non moins digne d’attirer l’attention, est de savoir comment Dieu s’est reposé de toutes ses œuvres en lui-même, puisque l’Écriture dit : « Dieu se reposa dans le septième jour. » Elle ne dit point qu’il se reposa en lui-même, mais « dans le septième jour. » Comment définir ce septième jour Faut-il y voir une création spéciale ou un espace de temps ? Mais la durée elle-même à été créée, avec les êtres qui durent : à ce titre, elle est une création elle-même. Il n’est aucun moment dans la durée, présent, passé, avenir, qui n’ait Dieu pour cause : si donc le septième jour est une période de temps, Dieu, le créateur du temps, peut seul l’avoir créé. Or, l’Écriture nous a parlé précédemment de six jours, comme de créations avec ou pendant lesquelles d’autres créations s’accomplissent. Par conséquent, sur ces sept jours, si nous entendons par là ces jours bien connus qui s’écoulent sans retour et n’ont avec ceux qui les remplacent que le nom de commun, les six premiers ont été créés à des moments que nous pouvons déterminer : quant au septième, appelé sabbat, nous ne pouvons distinguer l’époque de sa création. Loin de composer quelque ouvrage ce jour-là, Dieu s’y reposa de tous ceux qu’il avait fait. Comment donc aurait-il choisi pour se reposer, un jour qu’il n’aurait pas créé ? Et comment l’aurait-il créé immédiatement après les six premiers jours, puisqu’il acheva ses ouvrages au sixième jour, puisqu’il ne créa rien le septième et le consacra au repos ? Se borna-t-il à créer un premier jour dont les autres ne fussent plus qu’une reproduction dans la durée, en sorte qu’il eût été inutile de créer le septième jour, puisqu’il n’était que le premier se renouvelant pour la septième fois ? Il sépara en effet la lumière d’avec les ténèbres, nommant l’une jour les autres nuit[1]. Ainsi Dieu fit alors le jour, et c’est le renouvellement de la même durée que l’Écriture nomme successivement second, troisième jour, jusqu’au sixième où Dieu achève ses œuvres : le septième n’est alors que la reproduction du premier jour pour la septième fois. De la sorte, le septième jour n’est point une création spéciale ; c’est le renouvellement pour la septième fois du phénomène que Dieu produisit quand il appela la lumière jour et les ténèbres nuit.

CHAPITRE XXI. DE LA LUMIÈRE AVANT LA CRÉATION DES ASTRES.


38. Nous retombons ainsi dans la question que nous semblions avoir résolue au début de cet ouvrage : il nous faut examiner encore comment la lumière a pu décrire un tour qui fit naître alternativement le jour et la nuit, avant la formation des astres, du firmament même, que dis-je ? avant l’époque où le globe put offrir des régions assez distinctes pour que la lumière les éclairât successivement et laissât régner la nuit à mesure qu’elle se retirait ? Frappés de cette difficulté, nous n’avons pas craint de conclure, après avoir pesé le pour et le contre, que la lumière primitive était le perfectionnement des esprits ; et la nuit, la matière destinée à former les autres ouvrages de Dieu, laquelle avait été produite à l’époque où il fit le ciel et la terre, avant que le jour parût à sa parole. Un examen attentif de la formation du septième jour nous a éclairés sur la valeur de ces hypothèses, que l’expérience est incapable de contrôler. La lumière appelée jour était-elle un agent physique qui par sa révolution ou par sa propriété de se dilater et de se contracter, produisait la succession du jour et de la nuit ? Est-ce la créature intelligente initiée aux diverses phases de la création, qui représentait le jour et la nuit, en ce qu’elle participait ou ne participait pas aux idées divines ; le matin et le soir, en ce qu’elle voyait cette révélation naître et disparaître tour-à-tour ? Nous aimons mieux faire l’aveu de

  1. Gen. 1, 3