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nous arracher à la vie d’ici-bas, et de nous inspirer le désir d’atteindre au repos dans le sein de Dieu.

CHAPITRE XVII. DU REPOS DE L’HOMME EN DIEU.


29. Il y aurait, en effet, une imitation sacrilège à vouloir se reposer en soi-même de ses propres œuvres, comme Dieu l’a fait après les siennes nous ne devons nous reposer qu’au sein du bien immuable, et, par conséquent de notre Créateur. Quel sera donc pour nous le repos souverain, étranger à l’orgueil et conforme à la véritable piété ? De prendre modèle sur le Dieu qui en se reposant de ses œuvres, a cherché sa félicité, non dans ses ouvrages, mais dans lui-même ou le bien qui le rend heureux, et par conséquent, d’espérer que nous trouverons seulement en lui la paix à la suite de toutes nos bonnes œuvres qui sont aussi les siennes ; ce sera d’aspirer à cette paix, comme à une conséquence des actes dont nous reconnaissons le principe en Dieu plus qu’en nous. De la sorte Dieu se reposera lui-même encore de ses œuvres, puisqu’il nous accordera le repos dans son sein à la suite des bonnes œuvres que nous aurons accomplies par sa grâce. C’est une noble prérogative que de tenir l’existence de Dieu : il y aura plus de gloire encore a se reposer en lui. Donc, comme la création n’ajoute rien à la félicité de Dieu et qu’il peut s’en passer, il s’est reposé en lui-même plutôt qu’en ses ouvrages ; voilà pourquoi il a choisi le jour du repos et non un des jours employés à créer, pour le sanctifier : il a révélé ainsi que sa félicité consistait non à faire le monde, mais à n’avoir aucun besoin de ses créatures.
30. Qu’y a-t-il de plus simple à exprimer, de plus sublime et de plus difficile à concevoir que le repos de Dieu après l’achèvement de ses ouvrages ? Pouvait-il trouver le repos ailleurs qu’en lui-même, puisqu’il n’est heureux qu’en lui-même ? Quand pouvait-il le goûter, sinon toujours ? Pour l’époque où se terminent ses ouvrages, dont il distingue son repos, comme un ordre de choses tout différent, quel jour pouvait-il choisir, sinon celui qui succède à l’entier achèvement de la création, et par conséquent le septième ? La perfection des œuvres devait être en effet le signal du repos pour l’être qui ne trouve dans les créatures les plus parfaites aucun élément de félicité.

CHAPITRE XVIII. POURQUOI LE SEPTIÈME JOUR S’OUVRE-T-IL PAR LE MATIN SANS FINIR PAR LE SOIR ?


31. Le repos de Dieu considéré en lui-même ne compte ni matin ni soir, puisqu’il n’a ni commencement ni fin ; quant à ses œuvres arrivées à la perfection, le matin naît pour elles sans jamais être suivi du soir. En effet, la créature sous sa forme parfaite voit commencer le mouvement qui la porte à se reposer dans son Créateur ; mais ce mouvement vers la perfection n’admet point de limites, comme celles qui renferment les ouvrages de la création. A ce titre, le repos divin commence, non pour Dieu, mais pour la créature, quand elle atteint sa perfection : c’est l’instant où elle commence à se reposer en celui qui l’a formée, c’est le matin. Sans doute, considérée en elle-même, elle est susceptible de rencontrer le soir, ou sa limite naturelle ; mais, considérée dans ses rapports avec Dieu, elle ne connaît pas le soir, parce qu’elle ne peut dépasser le degré de perfection où elle est parvenue.
32. Dans la période des jours où les êtres se formaient, le soir a été pour nous la fin d’une création, et le matin, le signal d’une autre. Le soir du cinquième jour a clos la création du cinquième, jour ; le matin qui l’avait suivi a marqué le commencement des œuvres du sixième jour ; le soir est encore survenu pour clore la création. Comme il ne restait plus rien à créer, le matin a paru pour servir de début, non à une création universelle dans son auteur, mais au repos de la création universelle dans son auteur. Car le ciel, la terre et tout ce qu’ils renferment, je veux dire les corps et les esprits, ne subsistent pas en eux-mêmes, ils demeurent en Celui « qui donne la vie, le mouvement et l’être[1]. » Quoique chaque partie : puisse subsister dans le tout qu’elle sert à former, le tout ne peut subsister que dans son principe. Il est donc naturel de croire que, si le soir du sixième jour a été suivi du matin, ce n’était plus pour ouvrir un nouvel ordre de créations, mais pour marquer que tous les êtres commentaient à s’établir dans un équilibre durable, grâce au repos de leur Créateur. Ce repos n’a ni commencement ni fin pour Dieu ; pour la créature, il commence, mais n’admet aucun limite. Voilà comment le septième jour commence pour la

  1. Act 17, 28