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poissons et surtout les oiseaux aiment à se nourrir de substances terrestres. Les oiseaux, en effet, se posent ou font leur nid sur la terre. C’est que les vapeurs sorties des eaux se répandent aussi à la surface du sol. Aussi l’Écriture après avoir dit : « Que les eaux produisent des animaux qui vivent et qui se meuvent et des animaux qui volent » ajoute : « sur la terre, vers le firmament du ciel » ces dernières expressions peuvent éclaircir un point jusque-là resté obscur. Elle ne dit pas, en effet, dans le firmament du ciel, comme elle a fait en parlant des luminaires, mais vers le firmament du ciel, en d’autres termes, dans la région voisine. En effet l’atmosphère où volent les oiseaux est voisine de l’espace où ils ne peuvent s’élever, lequel, par sa tranquillité, se confond avec le firmament. Les oiseaux volent donc dans la partie du ciel que le psalmiste désigne aussi sous le nom de terre : à ce titre, ils sont souvent appelés les oiseaux du ciel dans l’Écriture. Mais n’oublions pas que le ciel ici est toute l’étendue qui touche au firmament, et non le firmament lui-même.

CHAPITRE VIII. POURQUOI LES POISSONS ONT-ILS ÉTÉ APPELÉS REPTILES A AMES VIVANTES ?


11. On pense assez généralement que les poissons ont été appelés, non des animaux vivants, mais « reptiles à âmes vivantes » parce que leurs sens sont peu développés. Si cette explication était exacte, les oiseaux auraient été expressément appelés animaux vivants. Mais puisqu’ils ont été appelés « ceux qui volent, volatilia » comme les poissons ont été nommés « ceux qui rampent, « reptilia » il faut bien admettre une ellipse et traduire : ceux d’entre les animaux vivants qui rampent et ceux qui volent. C’est par un tour analogue qu’on dit en latin ignobilia hominum, les hommes inconnus. Il y a sans doute d’autres animaux qui rampent sur la terre ; cependant la plupart ont des pieds pour se mouvoir, et le nombre des animaux qui rampent sur la terre est peut-être aussi borné que celui des animaux qui marchent dans les eaux.
12. D’autres ont truque les poissons n’avaient été qualifiés ainsi que parce qu’ils n’ont ni mémoire ni vie qui dénote quelque intelligence. Cette opinion vient d’un défaut d’expérience. Quelques savants racontent sur les poissons des choses surprenantes, et ils ont fort bien pu observer leurs mœurs dans des viviers. Je veux bien qu’ils se soient trompés, mais j’assure que les poissons ont le don de la mémoire ; je le sais par expérience et on peut l’observer comme moi. Il y a à Bulle-Royale un bassin magnifique rempli de poissons. Les promeneurs ne manquent guère de leur jeter quelque chose, et poissons aussitôt de saisir la proie et de fuir ou de se la disputer. Accoutumés à recevoir ainsi la pâture, ils aperçoivent à peine quelque personne circuler le long du bassin, qu’ils se rassemblent, vont et viennent à la nage, épiant l’endroit d’où on leur jette quelque chose. Je trouve donc que l’épithète de reptile caractérise aussi bien les poissons que celle de volatile les oiseaux : car, si le manque de mémoire ou le peu de développement des sens avaient été une raison suffisante pour leur ôter le nom d’animaux qui vivent, il faudrait aussi l’ôter aux oiseaux : pourtant l’existence de ceux-ci, qui se passe sous nos yeux, nous révèle leur mémoire, leurs chants variés, leur admirable industrie pour construire des nids et élever leur couvée.

CHAPITRE IX. DE LA CLASSIFICATION DES ÊTRES SELON L’ÉLÉMENT OU ILS VIVENT.


13. Je n’ignore pas que certains philosophes ont classé les êtres d’après les éléments qui leur sont propres : ils appellent terrestres, non seulement les animaux qui rampent ou qui marchent sur la terre, mais encore les oiseaux parce qu’ils s’abattent sur la terre quand ils sont las de voler. Dans leur système, les démons habitent l’air, les Dieux, le ciel ou nous plaçons les luminaires et les anges. Ils assignent aussi aux poissons, aux monstres marins les eaux pour séjour, afin que chaque élément ait son espèce propre. Mais la terre forme apparemment le fond des eaux, et ils auraient quelque peine à prouver que les poissons ne vont jamais s’y reposer et y reprendre des forces pour nager, comme font les oiseaux pour voler. Je veux bien que les poissons ne le fassent pas souvent : mais cela vient de ce que l’eau est plus capable que l’air de les soutenir ; aussi porte-t-elle des animaux terrestres, soit qu’ils aient appris à nager, comme, l’homme, soit qu’ils nagent naturellement, comme les quadrupèdes. Se retranchent-ils sur ce fait, que les poissons sont dépourvus de pattes ? Mais alors les phoques ne sont plus des animaux