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CHAPITRE XVII. RÉFUTATION DE L’ASTROLOGIE.


35. Quand à l’art chimérique qui fait dépendre le destin des astres, à ces prédictions faites sur les prétendues lois de l’astronomie qu’on appelle les arrêts de la fatalité, la saine doctrine de l’Église les repousse avec mépris : cette opinion, en effet, a pour conséquence de supprimer le principe même de la prière et d’attribuer à Dieu, le créateur des astres, plutôt qu’à l’homme, l’auteur des crimes, l’aveuglement dans les actions le plus clairement condamnées par la conscience. D’ailleurs, notre âme n’est sous la sujétion d’aucun corps, même des corps célestes, par le privilège de sa nature : sur ce point, les astrologues peuvent écouter les leçons même de leurs philosophes. En outre, les corps suspendus au-dessus de la terre, n’ont pas des vertus supérieures à celles de la matière que ces hommes ont entre les mains. En voici une preuve : une multitude infinie de germes destinés à produire des corps de toute espèce, animaux, plantes, arbustes, se disséminent en un clin-d’œil et il en naît également en un clin-d’œil une foule d’êtres innombrables. Quelle prodigieuse variété de développements, de propriétés actives, et cela non seulement en différents pays, mais dans la même contrée ! Ils réussiraient plus vite à compter les étoiles qu’à analyser ces merveilles.
36. Qu’y a-t-il de plus insensé, de plus extravagant que de soutenir, malgré ces raisons qui les confondent, que la situation relative des astres influe seulement sur la destinée des hommes dont l’existence s’y rapporte ? Eh bien ! Sur ce point même, ils sont confondus par l’exemple de deux frères jumeaux qui, malgré l’identité la plus parfaite dans la conjonction des astres, ont un sort différent, mènent une vie où le bonheur et l’infortune sont inégalement repartis, et meurent d’une façon toute contraire. Quoique la naissance de l’un ait précédé celle de l’autre, l’intervalle fut assez court pour échapper à tous les calculs d’un astrologue. Jacob tenant de sa main le talon de son frère, sorti le premier du sein maternel ; on aurait dit qu’il n’y avait qu’un seul enfant qui se dédoubla[1]. Assurément, le rapport de position, pour employer leur langage, ne pouvait être différent. Or pourrait-on rien imaginer de plus chimérique qu’un astrologue qui, l’œil fixé sur cette position des astres, tirant le même horoscope, aurait prédit que l’un des deux frères serait chéri de sa mère, et l’autre, non ? Sa prédiction en effet aural été fausse, si elle n’eût pas signalé cette antipathie ; et si elle l’eût signalée, quoique conforme à la vérité, elle n’aurait plus été faite selon les formules consacrées dans ces absurdes manuels. Si cette histoire les trouve incrédules, parce qu’elle est tirée de nos saints livres ; peuvent-ils donc nier l’ordre naturel ? Puisqu’ils se prétendent infaillibles, une fois qu’ils ont trouvé l’heure précise de la conception, qu’ils ne dédaignent pas de jeter sur la conception de deux jumeaux ordinaires un regard tout humain.
37. Reconnaissons-le : s’ils rencontrent parfois la vérité, c’est par une impulsion mystérieuse que l’âme humaine reçoit à son insu. Et lorsque cette connaissance doit séduire les hommes, elle est l’œuvre des esprits tentateurs : car ils ont l’idée ce de qui arrive dans le monde, par l’effet de la pénétration d’une intelligence plus fine, d’une organisation plus subtile, d’une expérience consommée qu’ils doivent à une existence si longue, enfin par une révélation de l’avenir, que les saints anges leur font, sur l’ordre même de Dieu qui, dans les mystères de sa justice incorruptible, règle les destinées des hommes. Parfois ces esprits pervers font prédire, comme par une révélation surnaturelle, ce qu’ils ont dessein de faire. Tout bon chrétien doit donc se défier des astrologues, des devins, surtout quand ils disent vrai, de peur qu’ils ne séduisent l’âme et ne l’enveloppent dans le pacte impie que fait contracter tout commerce avec les démons.

CHAPITRE XVIII. QU’IL EST DIFFICILE DE SAVOIR SI LES ASTRES SONT GOUVERNÉS ET ANIMÉS PAR DES ESPRITS.


38. On demande souvent si les luminaires du ciel ne sont que des corps, ou s’ils possèdent des esprits pour les diriger : dans ce dernier cas, on voudrait savoir si ces esprits leur communiquent la vie, comme le principe qui anime la matière dans les animaux, ou s’ils les gouvernent sans y être unis ; par le seul fait de leur présence.
39. Au point oit nous sommes arrivés, cette question me semble insoluble : toutefois, j’espère que dans la suite les explications que je donne sur l’Écriture,

  1. Gen. 25, 2