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si le premier jour a une grandeur qui le rapproche du septième, il faut bien que le second corresponde au sixième. Or, quel rapport y a-t-il entre le firmament et l’homme fait à l’image de Dieu ? Serait-ce que le ciel s’étend dans la région supérieure du monde et que l’homme a reçu le privilège de régner sur la région inférieure ? Mais que dire des animaux et des bêtes produits par la terre, selon leur espèce, le sixième jour ? Peut-il y avoir quelque rapport entre les animaux et le ciel ?
27. Voici peut-être l’explication de cet ordre. La créature intelligente ayant été formée au début, sous le nom de lumière, il était naturel que la nature physique, en d’autres termes, le monde visible fut formé. Cette création se fit en deux jours qui correspondent aux deux parties principales dont se compose l’univers, je veux dire le ciel et la terre, d’après cette analogie qui fait souvent désigner sous le nom de ciel et de terre les esprits et les corps. Ce globe fut le domaine assigné à la partie la plus bruyante et la plus grossière de l’air : il se condense en effet par les émanations de la terre ; au contraire, la partie de l’air la plus paisible, celle que n’agitent jamais les vents ni les tempêtes, eut le ciel pour séjour. La création du monde physique achevée, à la place qui lui avait été assignée dans l’étendue, il fallait le remplir d’êtres organisés, capables de se transporter d’un lieu dans un autre. Les plantes et les arbres ne rentrent pas dans cette catégorie : ils tiennent à la terre par leurs racines, et quoique le mouvement qui les fait croître se passe en eux, ils n’en sont pas moins incapables de se mouvoir par un effort qui leur soit propre : ils se nourrissent et se développent aux lieux où ils sont enchaînés. Par conséquent ils ont un rapport plus étroit avec la terre qu’avec les êtres qui se meuvent sur la terre ou dans les eaux. Deux jours ont été consacrés à organiser la nature matérielle, je veux dire le : ciel et la terre : il faut que les trois jours suivants soient consacrés aux êtres visibles et animés de mouvement, qui sont créés sur ce théâtre. Le ciel ayant été formé le premier, doit le premier recevoir les corps destinés à l’occuper. C’est donc le quatrième jour que sont formés les astres, qui luisent sur la terre, et qui en portant la lumière dans les plus basses régions de l’univers, permettent de ne pas introduire ses habitants futurs dans un séjour ténébreux. Comme les faibles organes des êtres d’ici-bas se renouvellent par le passage du mouvement au repos, la révolution du soleil a établi entre l’alternative du jour et de la nuit et le passage du repos à la veille, une juste correspondance ; la nuit, loin d’être sans beautés, a offert, dans le doux éclat de la lune et des étoiles, une consolation aux hommes que la nécessité force souvent à travailler la nuit ; cette paisible lumière convient d’ailleurs aux animaux quine peuvent soutenir l’éclat du soleil.

CHAPITRE XIV. COMMENT LES LUMINAIRES DU CIEL SERVENT-ILS A MARQUER LE TEMPS, LES JOURS, LES ANNÉES.


28. Le passage où l’Écriture dit que « les luminaires du ciel servent à donner des signes, à marquer les temps, les jours, les années » offre une grande difficulté. Si le cours du temps n’a commencé que le quatrième jour, les trois jours qui précèdent se sont donc passés en dehors du temps ? Qui peut comprendre comment ces trois jours se sont écoulés avant le cours régulier du temps, puisqu’il ne date que du quatrième jour ? Se sont-ils même écoulés ? Le jour et la nuit ne servent-ils ici qu’à désigner, l’un, la substance avec ses qualités distinctives, l’autre, la substance sans ses modifications ? La nuit, dis-j e, ne représenterait-elle que la matière encore informe dont les êtres devaient sortir avec leurs propriétés spéciales ? Même chez un être formé, la possibilité de changer implique l’imperfection du fond ; or, cette imperfection ne se mesure ni par l’espace ni par le temps : elle n’implique ni distance ni antériorité. Serait-ce cette possibilité de changer, qui suppose celle d’être défectible, qu’on a appelée nuit même chez les créatures toutes formées, le changement étant possible chez les êtres, même quand ils ne changent pas ? Le soir et le matin, au lieu d’indiquer un écoulement et un retour périodique dans la durée, ne désigneraient-ils qu’une limite, celle où s’arrête le développement d’une substance et où recommence le développement d’une autre ? Ne faut-il pas plutôt chercher dans un autre ordre d’idées le sens exact de ces mots ?
29. Comment pénétrer ce secret et définir ce que l’Écriture appelle signes, lorsqu’elle dit des astres : « qu’ils servent de signes ? » Elle entend par là, non les conjectures d’un art insensé, mais les pronostics si utiles dans la vie humaine, les observations qui guident le pilote sur les mers, les prédictions du temps selon les diverses saisons.