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étendue et une voûte arrondie ? Or, il faut bien trouver une explication qui accorde entre eux ces deux passages, il faut également montrer que les deux passages réunis ne contredisent pas l’opinion de la sphéricité du ciel, à condition toutefois qu’elle soit établie sur des raisons solides.
22. La comparaison du ciel avec une voûte, même au pied de la lettre, ne présente aucune, difficulté. On peut fort bien croire que l’Écriture n’a voulu parler que de la configuration du ciel suspendu au-dessus de nos têtes. Donc, si le ciel n’est pas sphérique, il s’arrondit en voûte, dans l’espace où il couvre la terre ; s’il est sphérique, il s’arrondit en voûte dans tout l’espace. Quant 1 la comparaison du ciel avec une peau, elle est plus embarrassante : il faut en effet la concilier, non avec la sphéricité du ciel, qui n’est peut-être qu’une imagination, mais avec la voûte dont parle l’Écriture. On trouvera au 13 livre de mes Confessions [1] l’explication allégorique de ce passage. Qu’il faille voir tel ou tel symbole dans cette manière d’étendre le ciel comme une peau, je vais, pour contenter ceux qui pèsent scrupuleusement le sens littéral, donner une explication matérielle et, je l’espère, à la portée de tous : car, puisqu’il y a sans doute un lien entre ces deux expressions, au sens figuré ; il faut examiner si, au sens littéral, elles n’admettent pas une interprétation commune. Eh bien ! Le mot camera (voûte, plafond) s’entend d’une surface plane on concave ; or, une peau peut aussi bien s’étendre sur un plan horizontal que s’arrondir en sphère, témoin une vessie, une outre.

CHAPITRE X. DU MOUVEMENT DU CIEL.


23. Le ciel est-il en mouvement ou immobile ? c’est une question quelquefois débattue parmi nos frères eux-mêmes. S’il est en mouvement, disent-ils, comment expliquer le firmament ? S’il est immobile, comment les astres attachés, dit-on, à sa voûte, tournent-ils d’orient en occident, en décrivant près du pôle nord un cercle d’un moindre rayon, de sorte que la rotation du ciel est celle d’une sphère, s’il existe un pôle à l’extrémité opposée, celle d’un disque, s’il n’y en a pas ? Je leur réponds que c’est par les raisonnements les plus subtils et les plus contournés qu’on recherche ce qu’il peut y avoir de vrai ou de faux dans ces systèmes ; que le temps me manquerait, pour développer ces théories, et qu’il doit manquer ceux que nous désirons former pour accomplir leur salut et pour rendre tous les services nécessaires à la sainte Église. Qu’ils sachent seulement que le terme de firmament ne nous oblige point à regarder le ciel comme immobile : car ce terme peut fort bien signifier, non l’immobilité du ciel, mais la barrière solide, infranchissable, placée entre les eaux supérieures elles eaux inférieures. Serait-il démontré que le ciel est immobile ? la révolution des astres ne nous obligerait pas à repousser la vérité de ce système. En effet, des philosophes qui ont consacré tout leur temps et toute leur subtilité à résoudre ces problèmes, ont découvert que, dans l’hypothèse de l’immobilité du ciel, le mouvement propre des astres suffirait à expliquer tous les phénomènes que l’expérience rattache à leurs révolutions périodiques.

CHAPITRE XI. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR L’ÉTAT INFORME DE LA TERRE (Gen. 1, 9, 10. 2. Ci-dessus, liv. 1, ch. 12, XIII.) ?


24. « Puis Dieu dit : que les eaux qui sont au-dessous des cieux se rassemblent en un lieu et que l’aride paraisse. Et il en fut ainsi. L’eau qui est sous le ciel se rassembla en un seul lieu et l’aride parut. « Et Dieu nomma l’aride, terre, l’amas des eaux, mers. Et Dieu vit que cela était bon. » Nous nous sommes longuement étendus sur cet ouvrage de Dieu, à propos d’une question qui s’y rattache intimement ? Il suffira donc ici de rappeler sommairement aux esprits trop élevés pour se préoccuper de l’époque où furent créées les propriétés spécifiques de la terre et de l’eau, que l’ouvrage de ce jour consiste simplement à séparer ces deux éléments dans les régions inférieures de l’espace. Veut-on au contraire se demander pourquoi la création de la lumière et du ciel a une date, tandis que celle de la terre ; et de l’eau s’est accomplie en dehors des jours ou les a même précédés ? Semble-t-il surprenant que le commandement fiat ait présidé à la création de la lumière, tandis qu’il s’est fait entendre pour séparer la terre avec les eaux sans avoir présidé à leur création ? On trouvera une explication sans danger pour la foi dans le passage où l’Écriture, après avoir établi que « Dieu créa au commencement le ciel et la terre » ajoute, pour représenter la terre en cet état : « La terre était invisible

  1. Confess, liv. 13, ch. XV