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soit faite, et.lalumière fut faite : » il faisait passer l’idée de son Verbe dans la réalité. Au point de vue de la sagesse engendrée, le ciel existait comme type dans le Verbe de Dieu : ce type fut ensuite reproduit dans la raison des Anges, d’après la sagesse qui avait été créée en eux : enfin le ciel devint une réalité, afin qu’il existât sous sa forme spéciale. On expliquerait de la même manière la séparation des eaux d’avec les eaux, la formation des arbres et des plantes, la naissance des animaux dans les eaux et sur la terre.
17. Les anges, en effet, n’ont pas seulement des sens, comme l’animal, pour considérer la nature – visible : à supposer qu’ils aient des sens, ils connaissent mieux l’univers, d’après les idées qu’ils découvrent dans le sein du Verbe de Dieu, qui les éclaire et leur communique la sagesse. Donc, de même que le type de la créature réside dans le Verbe de Dieu avant qu’elle reçoive l’existence ; de même ce type se découvre d’abord à la créature intelligente dont la raison n’a pas été obscurcie parle péché : enfin le type se réalise. Pour concevoir les vues de la Sagesse les anges n’avaient pas besoin de s’expliquer, comme nous, les desseins invisibles de Dieu par le spectacle de ses ouvrages[1] : depuis qu’ils sont créés, ils contemplent le Verbe et son éternelle sainteté dans une extase ineffable ; c’est de cette hauteur qu’ils regardent le monde et qu’à la lumière des idées qu’ils trouvent dans leur intelligence, ils approuvent le bien, et condamnent le mal.
18. On ne doit pas être surpris que Dieu ait révélé à ses saints anges, les premiers-nés de la lumière, le type de ses créations futures. Ils ne pouvaient connaître ses desseins qu’autant qu’il lui plaisait de leur en découvrir les mystères. « Car, qui connaît les pensées de Dieu, ou qui l’a aidé de ses conseils ? Qui lui a donné quelque chose le premier pour en recevoir une récompense ? Car, c’est de lui, par lui, et en lui que sont toutes choses[2]. » C’est donc lui qui révélait aux anges la nature des êtres avant comme pendant leur création.
19. En résumé, la lumière, c’est-à-dire la créature raisonnable formée parla lumière éternelle, avait été faite la première : donc, les paroles que Dieu fait entendre pour créer les autres êtres, «  dixit Deus : fiat » nous révèlent que la pensée de l’Écriture remonte à la conception éternelle du Verbe ; l’expression, sic est factum, nous apprend que la créature raisonnable fut initiée au plan de cette création et le reproduisit, pour ainsi dire, par le privilège qui lui fut donné de le connaître la première au sein du Verbe de Dieu ; enfin la formule fecit, qui est une répétition de la précédente, nous fait entendre que la créature elle-même passa à l’existence sous sa forme spéciale. Quant au passage : vidit Deus quiabonumest, il révèle que Dieu, dans sa bonté, approuva son œuvre, afin de lui conserver l’existence qu’il avait bien voulu lui donner au moment où « l’Esprit-Saint était porté sur les eaux. »

CHAPITRE IX. DE LA CONFIGURATION DU CIEL.


20. On agite assez souvent la question de savoir quelle est la configuration du ciel d’après nos Saints Livres. C’est un sujet sur lequel les savants ont accumulé des volumes et que les écrivains sacrés ont sagement négligé ; tous les systèmes sont inutiles au bonheur, et ce qui est ##Rem pis, dérobent un temps précieux qui devrait être consacré au salut. Que m’importe que le ciel soit une sphère qui enveloppe de toutes parts la terre immobile au centre du monde, ou un disque immense quine la recouvre que d’un côté ? Toutefois, comme l’autorité de l’Écriture est en jeu, et qu’il est à craindre que les esprits étrangers à la parole divine, rencontrant dans nos saints livres ou entendant dire aux chrétiens des choses qui semblent contredire les vérités scientifiques, n’en profitent pour repousser l’histoire, les dogmes, la morale de la religion ; il faut répondre en peu de mots que les écrivains sacrés savaient fort bien la véritable configuration du ciel, mais que l’Esprit-Saint, qui parlait parleur bouche, n’a pas voulu découvrir aux hommes des connaissances inutiles à leur salut.
21. Mais, dira-t-on, l’expression du Psalmiste « Il a étendu le ciel comme une peau[3] » ne dément-elle pas le système de la sphéricité du ciel ? Eh bien ! Qu’elle le démente, s’il est faux : la vérité est dans la parole infaillible de Dieu plutôt que dans toutes les conjectures de la faible raison. Le système repose-t-il sur des preuves incontestables ? Démontrons que l’expression du Psalmiste ne le contredit pas. A ce titre, en effet, elle contredirait un autre passage de l’Écriture elle-même, où le ciel est comparé à une voûte[4] car, qu’y a-t-il de plus différents qu’une peau

  1. Rom. 1, 20
  2. Rom. 11, 34-36
  3. Ps. 103, 2
  4. Is. 40, 22, suiv. les LXX