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CHAPITRE IV. DE L’OPINION SUIVANT LAQUELLE LE FIRMAMENT NE SERAIT QUE L’ATMOSPHÈRE


7. Cette objection a frappé un auteur, et il a cherché un moyen de démontrer que l’eau était suspendue au-dessus des cieux, afin de concilier l’Écriture avec les lois de la physique. Il prouve d’abord, ce qui était facile, que l’air et le ciel sont des expressions synonymes, non seulement dans le langage ordinaire où l’on dit sans cesse un ciel pur, un ciel chargé de nuages ; mais encore dans le style de l’Écriture, par exemple : « Voyez les oiseaux du ciel[1] » or, le ciel où volent les oiseaux ne peut être que l’air. En parlant des nuages, le Seigneur dit lui-même : « Vous savez juger l’aspect du ciel[2]. » Quant aux nuages, nous les voyons se former dans l’air qui nous avoisine, retomber le long des montagnes et souvent même rester au-dessous de leurs cimes. Ce point établi, il prétend que le firmament a été ainsi appelé, parce qu’il met comme une ligne de démarcation entre les vapeurs légères, sorties du sein des eaux, et les eaux plus denses qui coulent sur la terre. Les nuages, en effet, comme l’ont vérifié tous ceux qui les ont traversés dans les montagnes ; ressemblent à un amas de gouttelettes très déliées. Ces molécules viennent-elles à se condenser et à se réunir en une grosse goutte ? L’air ne pouvant plus la soutenir t’abandonne à son propre poids et elle tombe sur la terre. Tel est le phénomène de la pluie. Par conséquent, dans l’air, placé entre les vapeurs dont les nuages sont formés et les eaux répandues sur la terre, il retrouve le ciel qui divise les eaux d’avec les eaux. Cette explication si exacte mérite, à mon sens, les plus grands éloges : elle n’est point contraire à la foi et s’accorde avec l’expérience la plus facile à réaliser. Toutefois on peut penser aussi que la pesanteur n’empêche point l’eau de rester au-dessus du ciel, sous forme de vapeurs, puisqu’elle ne l’empêche pas, sous la même forme, d’être suspendue en l’air. Quoique plus lourd et par conséquent moins haut que le ciel, l’air est sac, aucun doute plus léger que l’eau, ce qui n’empêche pas les vapeurs de monter au-dessus. Il est donc possible qu’une masse liquide, réduite en vapeurs infiniment plus subtiles, s’étende par de-là le ciel, sans être forcée d’en descendre par les lois de la pesanteur. Les philosophes eux-mêmes nous démontrent par un raisonnement très-rigoureux, que la matière est divisible à l’infini et qu’un raccourci d’atome est susceptible encore de se diviser : car toute partie d’un corps est corps elle-même, et tout corps est nécessairement divisible en deux. Par conséquent, si l’eau peut se réduire, comme le démontre en effet l’expérience, en gouttelettes, assez ténues pour s’élever au-dessus de l’air, quoiqu’il soit naturellement plus léger ; pourquoi ne pourrait-elle, marré sa pesanteur relative, se répandre par de-là le ciel en gouttelettes plus déliées, en vapeurs plus légères ?

CHAPITRE V. L’EAU SUSPENDUE AU-DESSUS DU CIEL ÉTOILÉ.


9. Quelques auteurs chrétiens, voulant réfuter ceux qui s’appuient sur les lois de la pesanteur pour soutenir que l’eau ne peut rester en équilibre au-dessus du ciel étoilé, ont essayé de les mettre en contradiction avec leur propre système sur la température et les révolutions des astres. D’après ce système, en effet, la planète de Saturne est glacée et met trente ans à accomplir sa révolution sidérale : son élévation dans l’espace l’oblige à décrire un plus grand tour. Le soleil, au contraire, achève la même révolution en un an, et la lune en un mois ; moins l’astre est élevé, plus sa rotation est rapide, afin qu’il y ait un rapport exact entre la durée du mouvement et sa hauteur relative dans l’espace. Ils se demandent donc par quel mystère la planète de Saturne est si froide, quand sa température devrait être d’autant plus élevée que sa rotation s’accomplit du haut de la voûte céleste. Voyez une roue tourner : le mouvement est plus lent au centre, plus rapide à la circonférence, afin que, malgré la différence ces rayons, tous les mouvements se combinent pour former un même tour. Or, plus la rotation est rapide, plus il se dégage de chaleur : la température de Saturne devrait donc être plutôt brûlante que froide. Car bien que Saturne ayant un vaste cercle à décrire, mette trente ans à achever sa révolution par son mouvement propre, il est soumis chaque jour au mouvement général et en sens contraire du ciel, dont une conversion produit un jour, au dire de ces physiciens : par conséquent, la partie du ciel où il tourne, étant animée d’un mouvement plus rapide, il devrait dégager plus de chaleur. D’où vient donc ce

  1. Mt. 6, 26
  2. Id. 16, 4