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est en dehors du temps ; si au contraire il ne l’a prononcée qu’à une certaine époque, il a employé, non son Verbe, mais l’organe d’un être contingent, et dans cette hypothèse la lumière ne serait plus l’œuvre primitive de la création, puisqu’il aurait existé antérieurement un être pour faire éclater la parole : « Que la lumière soit. » Or, les êtres créés par Dieu avant la période des jours sont indiqués dans le passage : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » le ciel serait la création spirituelle déjà parfaite, car elle est comme le ciel de ce ciel, qui est la région la plus élevée du monde physique, et c’est seulement le second jour que fut créé le firmament, à qui Dieu donna encore le nom de ciel. La terre nue et invisible, l’abîme de ténèbres serviraient à désigner la matière imparfaite destinée à former dans le temps les diverses substances, et, au début, la lumière.
16. Comment l’être créé avant l’origine du temps a-t-il pu prononcer dans le temps : « Que « la lumière soit ? » C’est un secret difficile à découvrir ; car le son de la voix n’a pu faire entendre cette parole ; puisque tout son de ce genre est quelque chose de physique. Serait-ce donc que Dieu aurait formé de la matière encore imparfaite une voix pour exprimer : « Que la lumière soit ? » Dès lors, il aurait existé une substance sonore, créée et façonnée avant la lumière. Mais, dans cette hypothèse, le temps devait déjà exister pour être parcouru par la voix et pour transmettre les intervalles successifs des sons. Or, si pour transmettre les vibrations de ces mots : « Que la lumière soit » le temps précédait la création de la lumière, à quel jour doit-on le rattacher, puisqu’il n’a été parlé encore que du premier jour, où la lumière fut faite ? Faut-il voir dans ce jour tout le temps employé soit à former la substance sonore, soit à créer la lumière ? Mais un commandement pareil doit partir d’un être qui parle pour frapper l’ouïe : l’oreille, en effet, a besoin pour entendre que l’air soit mis en mouvement. Et comment attribuer un pareil sens à une matière invisible, inorganique, dont Dieu se serait fait un écho pour dire : « Que la lumière soit ? » Il y a là une contradiction que doit repousser tout esprit sérieux.
17. Est-ce donc en vertu d’un mouvement spirituel, bien que temporel, que fut prononcé le « fiat lux » mouvement parti du Dieu éternel et, grâce au Verbe coéternel, communiqué à l’être spirituel ou au ciel du ciel, déjà créé comme l’indiquent ces paroles : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ? » Ou bien, faut-il penser que cette expression, sans impliquer ni un son ni même un mouvement intellectuel, aurait été fixée en quelque sorte par le Verbe coéternel à son Père, et gravée dans la raison de l’être immatériel pour communiquer la vie et l’ordre au chaos ténébreux, et pour produire la lumière ? Mais si Dieu n’a point commandé dans le temps ; si ce commandement n’a point été entendu dans le temps par une créature appelée, en dehors du temps, à contempler la vérité ; si le rôle de cette créature s’est borné à transmettre dans les régions inférieures du monde, par une activité toute spirituelle, les idées gravées en elle par l’immuable Sagesse et, pour ainsi dire, des paroles tout intellectuelles, il est fort difficile de concevoir comment il se produit des mouvements temporels pour former les êtres et pour les gouverner. Quant à la lumière, qui la première reçut l’ordre de se former et se forma, s’il faut admettre qu’elle tient le premier rang dans la création, elle se confond avec la vie de l’intelligence, de l’intelligence qui doit se tourner vers le Créateur pour en être éclairée, sous peine de flotter dans l’incertitude et le désordre. Or, l’instant où elle se tourna vers Dieu et fut éclairée, fut celui où s’accomplit la parole prononcée dans le Verbe de Dieu : « Que la lumière soit. »

CHAPITRE X. DIFFÉRENTES MANIÈRES D’EXPLIQUER LA DURÉE DU PREMIER JOUR CONTRADICTIONS OU DIFFICULTÉS QU’ELLES RENFERMENT.


18. La parole qui créa la lumière ayant été éternelle, puisque le Verbe coéternel à son Père est en dehors du temps, on va peut-être se demander si l’acte de la création a été également éternel. Mais peut-on s’arrêter à cette question, quand l’Écriture, après la création de la lumière et sa séparation d’avec les ténèbres, donne à l’une le nom de jour, aux autres celui de nuit, et ajoute : « Et il y eut un soir et un matin, un jour accompli. » On voit par là que cette œuvre de Dieu se fit en un jour, à la fin duquel eut lieu le soir ou le commencement de la nuit ; la nuit achevée, la durée du jour fut complète, et le matin fut l’aurore d’un second jour où Dieu devait accomplir une œuvre nouvelle.
19. La véritable énigme est de savoir comment Dieu prononçant le fiat lux dans l’intelligence