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RÈGLE DE SAINT AUGUSTIN
POUR LES SERVITEURS DE DIEU[1].


DE L’AMOUR DE DIEU ET DU PROCHAIN, DE L’UNION DES CŒURS ET DE LA COMMUNAUTÉ DES BIENS.

1. Avant tout, mes très-chers frères, aimez Dieu, puis le prochain ; car c’est à nous principalement que sont donnés ces deux préceptes. Voici donc ce que nous vous ordonnons d’observer dans le monastère où vous êtes établis : d’abord, et c’est le motif qui vous a réunis, c’est que vous viviez en paix dans la maison, et que vous n’ayez qu’un cœur et qu’une âme dans le Seigneur. Ne témoignez jamais posséder rien en propre ; que tout soit commun parmi vous. Votre Supérieur distribuera à chacun la nourriture et le vêtement ; il ne donnera pas également à tous, parce que tous vous n’avez pas des forces égales, mais plutôt à chacun selon ses besoins. Voici, en effet, ce que vous lisez dans les actes des Apôtres : « Tout entre eux était commun, et on donnait à chacun selon que chacun avait besoin[2]. »

Ceux qui possédaient quelque chose dans le siècle, lorsqu’ils sont entrés dans le monastère, le mettront volontiers en commun ; et ceux qui n’avaient rien, ne chercheront point dans le monastère ce qu’ils n’ont pu se procurer même dans le monde. Cependant on subviendra à leur faiblesse, selon le besoin, encore que dans le siècle leur pauvreté ne pût se pourvoir même du nécessaire ; seulement qu’ils ne s’estiment pas heureux de trouver ici la nourriture et le vêtement, qu’ils ne pouvaient trouver ailleurs.


DE L’HUMILITÉ.

2. Qu’ils ne s’élèvent pas non plus de ce qu’ils vivent avec ceux dont ils n’osaient approcher autrefois ; qu’au contraire ils portent leur cœur vers le ciel, sans chercher ici des biens terrestres et vains, de peur que les monastères ne commencent à être salutaires aux riches, s’ils s’y humilient, et non aux pauvres, s’ils s’y enflent d’orgueil. D’un autre côté, ceux qui paraissaient être quelque chose dans le siècle, ne dédaigneront pas ceux de leurs frères qui, du sein de l’indigence, sont venus en religion ; qu’ils s’attachent plutôt à se glorifier, non d’appartenir à des parents dans l’opulence, mais d’être admis dans la société de frères pauvres. Si de leurs biens ils ont donné quelque chose à la communauté, qu’ils ne s’élèvent pas : qu’ils ne s’enorgueillissent pas plus de leurs richesses en les donnant au monastère, qu’ils ne le feraient s’ils en jouissaient dans le monde. Hélas ! tous les autres vices s’appliquent aux mauvaises actions pour les produire, mais l’orgueil

  1. Saint Augustin a adressé cette règle aux religieux d’Hippone, comme on l’a vu dans la lettre CCXIe (ci-dessus pag. 23.) Était-elle alors suivie par les religieux que dirigeait le grand évêque ? En tout cas nous avons cru devoir, comme tous les éditeurs de saint Augustin, la donner ici dans la forme qui s’approprie aux hommes.
  2. Act. IV, 32, 35.