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à composer, à l’aide d’une conversion, un vers d’une autre espèce comme :

Trojae qui primus ab oris, arma virumque capo.


Et on peut faire la même observation pour le vers trochaïque. En effet, si le vers :


Beatus ille qui procul negotio ; a une forme plus élégante que l’espèce de vers qu’on trouverait en intervertissant l’ordre des membres, de cette façon


Qui procul negotio beatus ille cette dernière forme doit être absolument interdite. Que l’on soit assez hardi pour composer de pareils vers : on composera infailliblement des vers serlaires d’une autre genre, mais d’une beauté inférieure.

24. Oui, la grâce naturelle de ces vers, les plus beaux de tous les vers de six pieds, n’a pu échapper aux caprices de la fantaisie humaine. Dans les vers trochaïques et dans toute espèce de vers senaire, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, lequel renferme huit pieds, les poètes se sont imaginé qu’il fallait mêler tous les pieds de quatre temps qui ont une mesure équivalente. Les Grecs même les ont fait alterner entre eux, leur donnant la première, la troisième place, et ainsi de suite par nombre impair, si le vers commence par un demi-pied ; commence-t-il au contraire par un trocbée complet, ils donnent la seconde, la quatrième place et ainsi de suite, aux pieds les plus longs. Et pour faire supporter cette fausse combinaison, ils ont cessé de marquer par le battement de la mesure, la division naturelle de chaque pied en deux parties, le levé et le posé ; embrassant un pied dans le levé et un pied dans le posé (c’est-à-dire en scandant par dispodie), ce qui leur fait donner le nom de trimètre au vers même de six pieds, ils ont ramené le battement de la mesure au mode de scander le vers épitrite. Si du moins on était fidèle à ce système, quoique les épitrites soient plutôt du domaine de la prose que de la poésie et qu’un vers de ce genre doive plutôt s’appeler ternaire que senaire, l’égalité si précieuse du nombre des demi-pieds ne disparaîtrait pas sans ressources.


Mais aujourd’hui se borne-t-on à substituer des pieds de 4 temps aux endroits impairs, comme nous l’avons dit plus haut ? Non, on peut te faire partout à sa fantaisie. Nos pères eux mêmes n’ont pas observé la distance à laquelle devaient se substituer les pieds de cette sorte. Aussi les poètes ont-ils atteint, en gâtant ces formes et en prenant de telles licences, le but qu’ils se proposaient véritablement, celui de rendre la poésie plus voisine de la prose.


Maintenant que nous avons suffisamment expliqué la raison qui donne la prééminence à ces vers sur tous les autres vers senaires, voyons pourquoi les vers senaires en général, sont si supérieurs à tous les autres, quel que soit le nombre de leurs pieds, à moins toutefois que tu n’aies quelques observations à faire. — L’E. Non, non, j’éprouve le plus vit désir de connaître cette fameuse égalité des deux membres dans les vers de six pieds, tant tu as su piquer ma curiosité.


CHAPITRE XII.

DE LA RAISON POUR LAQUELLE LES VERS SENAIRES SONT SUPÉRIEURS À TOUS LES AUTRES.

25. Le M. Prête-moi donc toute ton attention, et dis-moi si, à ton avis, une longueur quelconque petit se diviser en parties quelconques. — L’E. Ce point est pour moi incontestable. À mon sens, il est hors de doute que toute longueur, appelée ligne, a une moitié et que par ce point d’intersection on peut la diviser en deux serments. Et, comme les deux segments qui en résultent forment évidemment des lignes eux-mêmes, il est évident qu’on peut les diviser de la même façon. Ainsi une longueur est divisible à l’infini. — Le M. Ton explication est pleine d’aisance et de justesse. Voyons maintenant si on a raison de dire que toute longueur étendue dans le sens de la largeur, à qui elle donne naissance, a pour dimension le carré de la largeur. Car si la largeur est plus ou moins grande que la longueur d’où elle procède, le carré est impossible : si elle a la même dimension, le carré existe. — L’E. J’entends et je partage ta pensée : qu’y a-t-il de plus juste ? — Le M. Tu vois déjà la conséquence qui en découle : c’est que si au lieu d’une ligne on met des pions égaux sur une file, cette file ne pourra jamais former un carré, à moins que le nombre des pions ne soit multiplié par lui-même ; par exemple, si