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battement de la mesure, c’est-à-dire, dans le levé et dans le posé. La diversité des mètres vient d’abord de la quantité, ce qui a lieu lorsqu’on joint les grands aux petits, comme dans cette strophe :

Jam salis terris nivis atque dise

Grandinis misit Pater, ac rebente

Dextera sacras jaculatus arces

Terruit urbem[1].

Tu remarques bien que le quatrième mètre, composé d’un choriambe suivi d’une longue, est plus petit que les trois premiers qui sont égaux entre eux. Cette diversité a une seconde cause qui vient de l’espèce des pieds, par exemple :

Grato, Pyrrha, sub antro,

Cui flavam religas comam[2]?

Tu le vois, en effet, le premier de ces deux mètres se compose d’un spondée, d’un choriambe suivi d’une longue, qui doit s’ajouter au spondée pour compléter les six temps : le second est composé d’un spondée, d’un choriambe suivi de deux brèves, qui ajoutées également au spondée, complètent les six temps. Ces mètres sont donc égaux par le nombre des temps, mais les pieds offrent une différence notable.

36. Il y a dans ces combinaisons un autre principe de différence, le voici : Parmi les mètres, les uns sont unis entre eux de telle façon qu’ils n’exigent l’interposition d’aucun silence, comme dans l’exemple précédent d’autres exigent qu’on interpose quelque silence, comme dans cet exemple :

Vides ut alla stet nive candidum

Soracte, nec jam sustineant onus

Silvae laborantes, geluque

Flumina constiterint acuto[3].

Si l’on revient dans chacun de ces mètres au commencement, les deux premiers exigent à la fin un silence d’un temps, le troisième un silence de deux temps, le quatrième un silence de trois temps. Réunis ensemble, ils obligent, quand on passe du premier au second, à observer (Horace, liv.1, ode 2.) un silence d’un temps, du second au troisième, un silence de deux temps, du troisième au quatrième, un silence de trois temps. Et si tu reviens du quatrième au premier, il faudra garder un silence d’un temps. Le procédé, pour revenir du quatrième au premier, est le même quand il s’agit de passer à une seconde combinaison du même genre. Ces combinaisons nous les appelons, avec raison, circuit[4], ce qui répond au mot grec, période. Une période ne peut avoir moins de deux membres, c’est-à-dire de deux mètres, et on a décidé qu’elle ne pourrait avoir plus de quatre membres ou mètres. On peut donc appeler la plus petite période, période à deux membres, la période intermédiaire, période à trois membres, et la dernière période, période à quatre membres, ce qui répond aux mots grecs dikolon trikolon tetrakolon

Comme nous devons traiter ce sujet avec tous les développements qu’il comporte dans notre entretien sur le vers, nous bornerons là nos réflexions pour le moment.

37. Conclusion. — Tu dois maintenant comprendre, je pense, que les espèces de mètres, dont nous avions fixé le nombre à 568, sont vraiment incalculables ; car, en faisant ce total, nous n’avions tenu compte que des silences qui s’ajoutent à la fin ; nous n’avions pas parlé du mélange des pieds entre eux, enfin de la résolution des longues en brèves, laquelle allonge le pied au-delà de quatre syllabes. Si maintenant nous voulons tenir compte de toutes les manières d’intercaler des silences, de substituer des pieds, de résoudre les longues, et faire la somme de tous les mètres, elle s’élèvera si haut qu’on ne trouvera peut-être pas de terme pour l’exprimer. Quant aux exemples que nous avons donnés, et à tous ceux qui peuvent l’être, le poète aura beau, dans ses compositions, en prouver la justesse et l’oreille en être flattée, si le débit d’un musicien exercé ne les fait ressortir, si le goût des auditeurs n’a pas la vivacité que donne une culture élégante, il sera impossible de sentir la vérité de notre théorie. — Allons prendre quelque repos et nous traiterons ensuite du vers. — L’E. J’y consens.

  1. Assez longtemps Jupiter a fait tomber sur la terre la neige et la grêle funeste : assez longtemps la foudre lancée par son bras enflammé sur les édifices sacrés a épouvanté Rome.
  2. Dans cette grotte charmante, Pyrrha, pour qui tresses-tu ta blonde chevelure. (Hor. liv. 1, ode 5.)
  3. Tu vois comme se dresse, toute couverte d’une neige épaisse, la blanche cime du Soracte, comme les forêts ont peine à soutenir le fardeau des frimas, comme les ruisseaux sont immobiles sous les étreintes de la gelée. (Hor. liv.1. ode 9.)
  4. Dis,deux ; kolon, membre : en français, strophe. Mais la strophe en vers correspond à la période en prose.