dactyle, placer une syllabe longue, en ménageant un silence de deux temps. — Le M. Et si l’on met un pyrrhique après un dactyle, est-ce régulier ? — L’E. Non ; peu importe en effet que ce soit un pyrrhique ou un iambe. Car un pyrrhique équivaut nécessairement à un iambe, à cause de la finale que l’oreille allonge, parce qu’il reste un silence. Or, l’iambe ne peut venir après un dactyle, à cause de la différence du levé et du posé dans ces deux sortes de pied, le levé et le posé ne pouvant, dans le dactyle, comprendre trois temps, c’est trop clair.
CHAPITRE IX.
10. Le M. Cette remarque est fort juste et fait honneur à ta pénétration. Et que penses-tu de l’anapeste ? faut-il lui appliquer le même raisonnement ? — L’E. Le même absolument[1]. — Le M. Examinons donc le bacchius, s’il te plaît, et dis-moi quel en est le premier mètre. — L’E. Il se compose, je pense, de quatre syllabes, une brève et trois longues : deux de ces longues appartiennent au bacchius et la troisième au commencement du pied qui peut suivre immédiatement le bacchius, de telle sorte qu’il trouve son complément dans un silence. Toutefois je souhaiterais quelque exemple pour vérifier la théorie avec l’oreille. — Le M. Il est facile de donner des exemples mais je ne crois pas qu’ils te fassent le même plaisir que les précédents. Car les pieds de cinq temps et ceux de sept ont une marche moins agréable que ceux qui se divisent soit en parties égales, soit dans le rapport de 1 à 2 ou de 2 à 1. La même différence existe entre les mouvements sesquialtères et les mouvements égaux ou compliqués ; mouvements dont nous avons amplement parlé dans notre premier entretien. Et voilà pourquoi les pieds de cinq ou de sept temps sont aussi rares en poésie que fréquents en prose. On peut aisément faire cette remarque sur des exemples, comme tu m’en as demandés ; en voici un
Laborat magister docens tardos[2].
Reprends ce vers, en interposant un silence de trois temps ; pour que tu aies moins de peine à remarquer ce silence, j’ai mis au quatrième pied une syllabe longue, qui forme le commencement d’un crétique, pied dont le mélange avec le bacchius est autorisé. Si je ne t’ai pas donné d’exemple pour la première espèce de mètre, c’est que j’ai craint qu’un seul pied ne fût insuffisant pour avertir ton oreille Ae la durée du silence qu’il fallait observer après ce pied et une syllabe longue. Je vais maintenant donner un exemple de cette première espèce de mètre et je le répéterai, afin que tu puisses sentir les trois temps dans mon silence :
Labor nullus, Amor magnus[3]. L’E. Je vois bien clairement que ces sortes de pieds conviennent mieux à la prose et il est inutile de multiplier les exemples. — Le M. Tu as raison. Mais, puisqu’il faut observer un silence, crois-tu qu’on ne puisse faire suivre le bacchius que d’une syllabe longue ? — L’E. Non, certes. On peut le faire suivre d’une brève et d’une longue, ce qui constitue le premier demi-pied du bacchius. Car si nous avons pu régulièrement commencer un crétique, parce que ce pied peut se mêler avec un bacchius, à plus forte raison pourrons-nous commencer un bacchius même, surtout n’ayant pas mis du crétique la fraction dont les temps équivalent à la première moitié du bacchius.
CHAPITRE X.
14. Le M. A présent, si tu le veux bien, je vais me borner au rôle d’auditeur et de juge. Tu vas développer tout seul ce qui nous reste à dire et exposer ce qu’on doit ajouter à un pied complet, quand il y a, dans tous les pieds qui restent, un vide qui doit être rempli par un silence. L’E. La réponse à ta question est courte et facile, ce me semble : on peut appliquer au péon second tout ce qui vient d’être dit du bacchius. Après le crétique, il est permis de mettre soit une longue, soit un iambe, soit un spondée, en observant un silence de trois, de deux ou d’un temps. Et ce qui vient d’être