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LIVRE DEUXIÈME.


CHAPITRE X.
l’amphibraque, soit seul, soit à d’autres pieds, ne peut former de vers. du levé et du posé.

17. Le M. Fort bien : mais la question n’est pas encore épuisée. L’amphibraque est un pied de quatre temps. Cependant il y a des métriciens qui prétendent que ce pied ne peut s’allier avec des dactyles, des anapestes, des spondées ou des procéleusmatiques, quoique tous renferment quatre temps ; il y a plus : selon eux, toute combinaison de ce pied avec lui-même ne peut former un rhythme convenable et régulier. Examinons donc cette opinion, pour voir si elle ne repose pas sur un principe que nous devions reconnaître et adopter. — L’E. Je suis curieux d’écouter leurs raisons. Je n’apprends pas en effet sans quelque surprise que, sur vingt-huit pieds, dont le raisonnement nous a découvert l’existence, il y en a un d’exclu du vers, qiioifiu’ilait le même nombre de temps que le dactyle et autres pieds de même mesure susceptibles de s’allier. — Le M. Pour débrouiller celle question, il faut considérer les autres pieds et voir le rapport selon lequel leurs parties s’unissent ensemble : tu comprendras alors quelle est la raison spéciale qui a fait bannir légitimement ce pied de tout système de vers.

18. En traitant ce sujet, nous devons avoir présent à la mémoire les deux termes de levé et de posé. Connue on lève la main et qu’on la baisse en battant la mesure, le levé et le posé comprennent chacun une partie du pied. Et parce mot de partie, j’entends les fractions de pieds dont il a été suffisamment question plus haut, quand nous les avons décomposés en leurs éléments. Si tu admets cette théorie, commence par récapituler brièvement les diverses manières de mesurer les parties dans chaque pied. Par là tu comprendras aisément l’étrange particularité que présente l’amphibraque.

L’E. Dans le pyrrhique, le levé et le posé comprennent chacun un temps : le spondée, le dactyle, l’anapeste, le procéleusmatique, le choriambe, le diiambe, le ditrochée, l’antispaste, le dispondée admettent la même division ; dans les pieds, en effet, le levé et le posé ont le même nombre de temps ; quand on bat la mesure, dans l’iambe, le rapport est de 1 à 2 et ce rapport se retrouve dans le trochée, dans le tribraque, dans le molosse et dans les deux ioniques. Quant à ramplubra(iue , qu’il est temps d’examiner en le comparant aux pieds du même ordre, il se divise dans un rapport de 1 à 3. Or, je ne trouve plus de pieds dont les parties s’unissent dans un rapport aussi éloigné. Considère tous les pieds composés d’une brève et de deux longues, comme le bacchius, le crétique, le palimbacchius, le levé et le posé les divisent dans une proportion sesquialtère. Même règle pour les quatre péons qui offrent la combinaison d’une brève avec trois longues. Restent les quatre épilrites qu’on désigne successivement d’après la place de la brève : Le levé et le posé sont toujours dans un rapport^^1 de 3 à 4.

19. Le M. Ne vois-tu pas qu’on s’est déterminé avec raison, à exclure de toute combinaison rhythmique, cet amphibraque, dont les deux parties ont une différence si considérable, que l’une est triple de l’autre ? La symétrie des parties est, en effet, d’autant plus parfaite, qu’elle se rapproche davantage de l’égalité. Ainsi, dans la progression régulière des nombres de 1 à 4, tous sont aussi rapprochés d’eux-mêmes qu’il est possible. De même dans les pieds, la plus belle combinaison est celle où les parties sont égales entre elles ; la seconde, celle où les parties sont unies dans le rapport de 1 à 2 ; viennent ensuite celles où le rapport est de 2 à 3 et de 3 à 4. Quant à la combinaison des temps dans un rapport de 1 à 3, quoiqu’elle rentre dans les nombres compliqués, elle n’est pas susceptible de s’allier avec elle-même, d’après l’ordre même des nombres. Nous ne comptons pas, en effet, de 1 à 3 : pour passer de 1 à 3, il faut intercaler le nombre 2. Voilà pourquoi l’amphibraque est exclu de ce mélange des pieds entre eux que nous cherchons à déterminer. Si mes raisons te semblent justes, entrons plus avant dans la question. — L'E. Elles sont très-claires et très-concluantes à mon avis.

1 Sesquitertius numerus correspond au grec ἐπίτριτος (epitritos) : il indique un tiers en sus. Ici donc le levé contient les 4/3 du pose et vice versa, suivant la place de la brève. C’est un rapport de 3 à 4.