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DE LA MUSIQUE.


la différence entre le plus petit et le plus grand, les divise tous les deux, c’est-à-dire que le plus petit et le plus grand renferment leur différence un certain nombre de fuis, comme dans les deux nombres 6 et 8. Ici, en effet, la différence est 2, et cette différence est contenue 4 fois dans 8, 3 fois dans 6. Désignons donc aussi par des termes particuliers ces sortes de mouvements et les nombres qui nous les représentent plus clairement. Leur différence spécifique, si je ne me fais illusion, a dû te frapper déjà. Donc, si tu le veux bien, appelons compliqués deux nombres dont le plus grand est multiple du plus petit, et quant aux autres, appelons-les d’un nom déjà ancien, Sesquialtères. On nomme Sesquialtères deux nombres qui sont entre eux dans un rapport tel que le plus grand comparé au plus petit renferme des parties proportionnelles à son excédent : ainsi dans 3 en rapport avec 2 le plus grand di’passe le plus petit de sa troisième partie ; dans 4 en rapport avec 3, de la quatrième partie ; dans b en rapport avec 4, de la cinquième, et ainsi de suite ; le rapport est analogue dans 6 comparé à 4, dans 8 comparé à 6, dans 10 comparé à 8 ; Ton peut constater la même relation dans les nombres suivants, si élevés qu’ils soient. Quant à l’étymologie du mot, elle e ?t difficile à déterminer. Peut-être Sesque vient-il de ^absqiie, c’est-à-dire, en dehors de soi ; et de fait, 5 en relation avec 4, lui devient égal en retranchant ce qui le distingue, la cinquième unité. Que te semble de tout cela ? — LE. Le rapport que tu établis entre les mouvements mesurés et les nombres me paraît foii exact. Les termes que tu emploies pour les désigner me semblent bien choisi* pour rappeler l’idée que nous y attaciions. Quant à l’étymologie du mot Sesque, elle ne me choque pas, bien que l’inventeur ait pu fort bien n’avoir pas la pensée que tu lui prêtes.


CHAPITRE XI.

COMMENT UN MOUVEMENT ET UN NOMBRE SONT BORNÉS DANS LEUR ACCROISSEMENT À L’INFINI ET REÇOIVENT UNE FORME DÉTERMINÉE. — SYSTÈME DÉCIMAL.

18. Le M. J’approuve ta pensée, mais ne vois-tu pas que les mouvements rationnels, c’est-à-dire, ayant entre eux une relation numérique, peuvent avec ces nombres s’étendre à l’infini. s’ils ne rencontrent, dans une règle fixe, une li- mite qui les arrête et leur impose une mesure et une forme déterminée ? Car si nous parlons d’abord des nombres égaux comme 1 à 1, 2 à 2, 3 à 3, 4 à 4 et ainsi de suite, quelle limite pouvons-nous rencontrer, quand le nombre n’en a pas lui-même ? Telle est en effet l’essence du nombre : est-il énoncé ? il est fini ; ne l’est-il pas ? il est infini. Cette propriété des nombres égaux se retrouve dans les nombres inégaux compliqués ou sesquiallères, connumérés ou dinumérés.

Pose le rapport de 1 à 2 et continue cette opération en établissant le rapport de 1 à 3, 1 à 4, 1 à 5 et ainsi de suite ; tu ne trouveras pas de limite. Double le second terme du rapport comme 1 et 2, 2 et 4, 4 et 8, 8 et 16, et ainsi de suite ; tu ne trouveras pas non plus de limite. Triple, quadruple, fais toute autre combinaison de ce genre et tu verras toujours les nombres s’étendre à l’infini.

De même pour les nombres sesquiallères. Etablissons-nous les rapports de 2 à 3, 3 à 4, 4 à 5 ? Nous pouvons continuer ainsi jusqu’à l’infini, puisque nous ne rencontrons aucune limite. Veux-tu poser des rapports analogues, par exemple 2 à 3, 4 à 6, 6 à 9, 8 à 11, 10 à 13, et ainsi de suite ? Ici, comme ailleurs, tu ne seras arrêté par aucune limite.

À quoi bon parler des nombres dinumérés ? D’après les exemples que nous en avons cités, il est aisé de comprendre que l’échelle de ces nombres se continue sans fin. Es-tu de mon avis ?

19. L’É. Rien de plus vrai. Mais quelle est enfin la règle qui ramène cette progression infinie en elle-même à une mesure, à une forme déterminée ? Voilà ce que je suis impatient d’apprendre. — Le^J. Tu t’apercevras que tu le sais, comme tout le reste, quand tu feras à mes questions des réponses exactes. D’abord, devons-nous, parce qu’il est question de mouvements représentés par des nombres, consulter les nombres eux-mêmes, pour appliquer aux mouvements cadencés les règles absolues et invariables que nous avons découvertes dans les nombres ? — LE. C’est mon avis : à mon sens, on ne saurait procéder plus méthodiquement. — Le M. Eh bien ? remontons jusqu’au principe même des nombres et voyons, selon la portée de notre intelligence, pour quelle raison on a fixé, dans l’échelle illimitée des nombres, certains degrés qui permettent de