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DE LA MUSIQUE.


n’a pas acquis le talent qu’il peut avoir, ou n’en fait pas montre pour plaire au public, en vue de l’argent ou des applaudissements, alors je t’accorderai qu’on peut posséder la musique tout en étant histrion. Si au contraire, il est infiniment probable qu’il n’y a pas d’histrion qui ne se propose, comme la fin de sa profession, l’argent ou la célébrité, tu es forcé de reconnaître que les histrions ne savent pas la musique, ou que nous devons demander à la foule la gloire et autres biens éphémères, plutôt que de chercher en nous la science. —L’É. Après les propositions que je t’ai accordées plus haut, je me vois forcé de l’accorder encore celle-ci. Car je ne crois pas qu’on puisse rencontrer au théâtre un homme qui aime son art pour son art, et non pour les avantages qui y sont attachés ; c’est à peine si on le rencontrerait dans les écoles. Toutefois, si un pareil homme a jamais existé ou existe un jour, il faudrait plutôt estimer l’histrion, que ravaler le musicien. Développe-moi donc, si tu le veux bien, les principes de ce grand art que je ne puis plus maintenant regarder comme un art vulgaire.


CHAPITRE VII.
DES TERMES LONGTEMPS ET NON LONGTEMPS.

13. Le M. Je vais le faire ou plutôt tu le feras toi-même. Je ne procéderai que par questions et par demandes. Et tout ce que renferme ce sujet, dont tu sembles vouloir pénétrer les détails, tu le verras se développer en me répondant. Je le demande donc si l’on peut courir longtemps et vile. — L’É. On le peut. — Le M. Peut-on courir vite et lentement tout ensemble ? — L’É.. C’est impossible. — Le M. Donc entre longtemps et lentement il y a une grande différence. — L’É. Fort grande. — Le M. Nouvelle question : Qu’est-ce qui est opposé à la longueur du temps au même titre que la rapidité l’est à la lenteur ? — L’É. Pour exprimer cette idée je ne trouve pas de terme usuel. Aussi je ne trouve qu’un terme négatif à opposer, à savoir, ce qui ne dure pas longtemps : de la même manière que si je ne voulais pas employer le mot rapidement, je dirais non lentement, et la signification serait la même. — Le M. Tu as raison : en parlant ainsi, la vérité ne perd rien. Quant au mot qui t’échappe, je l’ignore, ou pour le moment il ne me vient pas à l’esprit, en supposant que je le possède. Convenons donc d’appeler ces termes tout contraires : longtemps et non longtemps : lentement et vile. Et d’abord discutons sur le temps j)liis on moms long dans le mouvement. — L’É. J’y consens.


CHAPITRE VIII.
DU TEMPS PLUS OU MOINS LONG DANS LE MOUVEMENT.

14. Le M. Vois-tu clairement ce que signifie longtemps et non longtemps ? — L’É. Oui. —Le M. Ainsi un mouvement, par exemple, qui dure deux heures, comparé à un mouvement qui ne dure qu’une heure, n’a-t-il pas le double de temps ? —L’É. C’est trop clair. — Le M. Le temps plus ou moins long est donc susceptible de se mesurer et de se diviser dans un rapport tel qu’un mouvement peut être à un autre, comme 2 est à 1, c’est-à-dire qu’il peut être le double d’un autre. Un mouvement peut encore être à un autre comme 3 est à 2, en d’autres termes, renfermer trois intervalles de temps égaux aux deux intervalles que renferme l’autre. On peut ainsi parcourir tous les nombres, en ne laissant riiu de vague et d’indéterminé dans leur échelle, et en fixant un chiffre pour désigner le rapport de deux mouvements entre eux. Ce chiffre pourra être le même comme dans le rapport de d à 1, de 2 à 2, de 3 à 3, de 4 à 4, ou différent, comme dans le rapport de 1 à 2, de 2 à 3, de 3 à 4, ou de 1 à 3, de 2 à 6, et ainsi de suite, pour tout mouvement susceptible de se mesurer. — L’É. Plus de clarté, je te prie.

Le M. Reviens donc à l’exemple des heures et de ce rapport que je croyais avoir suffisamment éclairci, passe à tous les autres. Tu ne saurais nier qu’il ne puisse y avoir deux mouvements, l’un d’une heure, l’autre de deux. — L’É. Je l’accorde. — Le M. Eh quoi ! ne peut-il y avoir encore deux mouvements, l’un de 2 heures, l’autre de 3 ?— L’É. C’est vrai. — Le M. Un mouvement de 3 heures et un autre de 4 ? N’est-il pas évident qu’il peut y avoir aussi deux mouvements, l’un d’une heure, l’autre de trois, l’un de 2, l’autre de 6 ? — L’É. C’est évident ? — Le M. Pourquoi donc ce que je disais ne serait-il pas également évident ? Je ne prétendais pas dire autre chose en effet, quand je soutenais que deux mouvements pou-