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comme le commande Celui dont elle comprend la volonté d’une manière ineffable. L’âme inférieure, au contraire, demeure chargée d’organes mortels, elle a peine à conduire du dedans ce fardeau qui l’accable, et cependant elle l’embellit autant qu’elle le peut. Quant aux autres corps qui l’environnent, tout en déployant ses forces, elle peut agir sur eux beaucoup plus faiblement encore.



CHAPITRE XII. QUAND MÊME TOUS LES ANGES AURAIENT PÉCHÉ, ILS N’AURAIENT APPORTÉ AUCUN TROUBLE DANS LE GOUVERNEMENT DU MONDE.

35. De là nous concluons quand même l’homme n’aurait pas péché, les dernières créatures, les créatures corporelles n’auraient pas manqué de l’embellissement qui leur convient. En effet, qui peut mener le tout peut aussi mener la partie, mais qui peut moins ne peut pas toujours davantage. Voici un excellent médecin pour guérir les maladies de peau ; mais de ce qu’il guérisse celles-ci s’ensuit-il qu’il soit également capable de guérir toutes les autres ? Sans doute, si une raison certaine, manifeste, me fait voir avec évidence que Dieu a dû créer des natures qui n’ont jamais péché, qui ne pécheront jamais, je vois aussi à la lumière de la raison que ces mêmes natures s’abstiennent du péché librement, spontanément et sans être violentées. Mais quand même elles pécheraient, et elles n’ont pas péché, ainsi que Dieu l’a prévu ; quand même cependant elles pécheraient, l’ineffable puissance de la majesté divine suffirait pour gouverner le monde, et en rendant à chacun ce qui lui convient et ce qui lui est dû, il ne laisserait dans tout son empire rien de désordonné, rien de déplacé. Ou bien en effet, dans cette hypothèse de la défection coupable de tous les anges, il dirigerait tout avec magnificence et avec gloire par la seule volonté de sa majesté suprême, sans établir pour cela de nouvelles puissances ; et s’il s’abstenait d’en créer, ce ne serait point comme par un principe de jalousie. N’a-t-il pas en effet créé les êtres corporels, si bas placés au-dessous des esprits même infidèles ? Ne les a-t-il pas créés avec un tel déploiement de bonté que nul ne peut fixer le regard de l’intelligence sur le ciel et la terre, sur tous ces corps qui ont dans leur genre tant d’ordre, de proportion et de beauté, sans reconnaître que Dieu seul en est l’auteur et qu’on doit le louer avec transport ? Ou bien encore, si la plus grande beauté de l’univers demandait que la puissance angélique régnât en quelque sorte au-dessus de toutes les œuvres divines, par l’excellence de sa nature et la. rectitude de sa volonté, cette même défection des anges n’aurait causé à leur Créateur aucun embarras dans l’administration de son empire. Est-ce que sa bonté se serait lassée, est-ce que sa toute-puissance se serait fatiguée de créer de nouveaux anges pour les placer sur les trônes abandonnés par les anges prévaricateurs ? Et si grand qu’eût été le nombre de ces esprits infidèles, eût-il gêné l’ordre ? L’ordre par sa nature même ne se prête-t-il pas convenablement à la condamnation de tous ceux qui méritent d’être condamnés ? Ainsi de quelque côté que se portent nos considérations, toujours nous recors naissons que Dieu mérite d’ineffables louanges pour avoir tout créé avec tant de bonté et pour gouverner tout avec tant de justice. 36. Mais abandonnons à ceux que la grâce divine en rend capables la contemplation de la beauté des choses, n’essayons point par des paroles d’amener ceux qui en. sont incapables à comprendre ce qui ne peut s’exprimer. Toutefois, en considération de ceux qui aiment à parler, des faibles ou des sophistes, résumons cette question aussi brièvement que possible.



CHAPITRE XIII. LA CORRUPTION MÊME DE LA CRÉATURE ET LE BLAME JETÉ SUR SES VICES EN FONT ÉCLATER LA BONTÉ.

Toute nature est bonne quand elle peut le devenir moins et c’est en se corrompant qu’elle perd de sa bonté. Car la corruption l’atteint ou ne l’atteint pas : si elle ne l’atteint pas, cette nature ne se corrompt point ; elle se corrompt au contraire si la corruption l’atteint. Or si elle l’atteint c’est en lui ôtant de sa bonté, c’est en la rendant moins bonne. En effet si la corruption ne laissait plus rien de bon en elle, ce qui pourrait y rester ne pourrait plus se corrompre, puisqu’il n’y aurait plus aucun bien qui pût donner prise à la corruption ; et conséquemment cette nature ne