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E. Sois ferme et crois énergiquement ce que tu crois. On ne peut rien croire de mieux, lors même qu’il serait impossible d’en trouver la raison. Et en vérité, le commencement de toute religion consiste à concevoir de Dieu l’idée la plus excellente. Or personne n’a cette idée de Lui, s’il ne croit qu’il est tout-puissant et incapable du moindre changement ; Créateur de tous les biens et meilleur lui-même que toutes ses œuvres ; gouverneur de toute sa création et la régissant selon la plus parfaite justice ; n’ayant eu besoin d’aucune nature existante pour créer, comme quelqu’un qui n’aurait pas trouvé en lui-même de quoi suffire à son œuvre. C’est pourquoi il a créé toutes choses de rien ; et de lui-même, il a non pas créé, mais engendré son égal, Celui que nous appelons le Fils unique de Dieu, Celui que dans nos efforts, pour le désigner plus clairement, nous nommons la Vertu de Dieu et la Sagesse de Dieu, par laquelle il a fait toutes choses, en les faisant sortir du néant. Ces principes établis, cherchons, avec le secours divin, à comprendre la question, et procédons de cette manière.

CHAPITRE III.

LA PASSION EST LE PRINCIPE DU MAL.

6. A. Avant de répondre à ta question sur l’origine du mal, il faut examiner ce que c’est que mal faire. Donne-moi d’abord tes idées sur ce point ; et si tu ne peux tout exprimer-en peu de paroles, fais-moi une énumération détaillée des actes mauvais, en me disant ce que tu en penses. — E. Le temps et la mémoire me feraient défaut pour les énumérer tous. Je me bornerai à te désigner les adultères, les homicides et les sacrilèges, comme des actions de la malice desquelles personne ne doute. — A. Mais dis-moi d’abord pourquoi tu penses que l’adultère est une mauvaise action. Est-ce parce que les lois le défendent ? — E. Evidemment ce n’est pas parce que la législation le défend, que l’adultère est un mal ; au contraire, c’est parce qu’il est un mal qu’il est défendu par les lois. — A. Mais si quelqu’un nous pressait, et nous énumérant les voluptés de l’adultère, nous demandait pourquoi nous le jugeons un mal et un acte méritant condamnation, devrions-nous invoquer l’argument d’autorité et nous retrancher dans le texte de la loi, quand il s’agit non pas de croire, mais de comprendre ? Certes, je vois avec toi, je crois inébranlablement, je crie à toutes les sociétés et à toutes les nations du monde, qu’elles doivent croire que l’adultère est un mal. Mais cette vérité que nous admettons par la foi, nous cherchons ici à la comprendre, et à en acquérir la plus haute certitude scientifique. Réfléchis donc sérieusement, et dis-moi sur quelle raison tu établis la malice de l’adultère. — E. Je me rends compte de la malice de l’adultère, en ce que je ne voudrais pas le souffrir dans mon épouse. Or celui-là commet le mal qui fait à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui fît à lui-même. — A. Et que dirais-tu d’un homme dont la passion serait telle, qu’il offrirait sa femme à un autre et la lui livrerait volontiers, lui-même, à charge de réciprocité ? Penses-tu qu’il ne serait pas coupable ? — E. Il serait très-coupable. — A. Cependant cet homme ne pèche pas contre la maxime citée tout à l’heure. Il ne fait pas à autrui ce qu’il ne veut pas qu’on lui fasse à lui-même. Ainsi cherche une autre raison pour rendre compte de la malice de l’adultère. 7. E. Ne puis-je pas dire que l’adultère est un mal parce que j’ai vu souvent condamner des hommes qui en étaient accusés ? — A. Mais quoi ? N’a-t-on pas fréquemment aussi condamné des hommes pour avoir fait le bien ? Lis l’histoire, et, pour ne pas te renvoyer à d’autres écrits, lis celle qui l’emporte sur les autres par le sceau de l’autorité divine dont elle est revêtue. Tu y verras quelle mauvaise opinion nous devrions avoir des apôtres et de tous les martyrs, si nous nous avisions de considérer les condamnations judiciaires comme un signe certain du crime. Ils ont tous été jugés et condamnés pour avoir confessé la foi ; si donc tout ce que les tribunaux condamnent est un mal, c’était un mal à cette époque de croire au Christ et de confesser cette croyance. Et si, au contraire, ce qu’on condamne n’est pas par cela même un crime, cherche une autre raison pour nous montrer en quoi consiste la malice de l’adultère. — E. Je ne vois pas ce que je pourrais te répondre. 8. A. Pour moi, il me semble que la passion expliquerait la malice de l’adultère. Tu n’es en peine que parce que tu cherches au dehors la malice d’un acte, quand tu peux la prouver facilement dans cet acte même. Oui, la malice