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autre objet qui n’est pas un signe, comme la pierre : ce dernier mot est bien un signe puisqu’il rappelle un objet, mais l’objet rappelé par lui n’est pas toujours un signe. Toutefois cette dernière espèce de signes, qui fart connaître ce qui n’est pas signe, n’est pas du ressort de ta présente discussion, car nous avons entrepris d’y exprimer les signes qui indiquent d’autres signes et nous y avons distingué deux parties selon que les signes marquent ou rappellent des signes de même espèce ou d’espèce différente. N’est-ce pas évident pour toi ? — Ad. C’est évident.

8. Aug. Dis-moi donc à quels sens appartiennent les signes que l’on nomme paroles ? — Ad. À l’ouïe. — Aug. Et le geste ? — Ad. À la vue. — Aug. Et les paroles écrites ? sont-elles des paroles, ou plus véritablement, ne sont-elles pas des signes de paroles ? La parole même serait alors le son significatif de la voix articulée ; et cette voix ne pouvant être perçue que par l’ouïe, quand on écrit un mot ce serait pour les yeux un signe qui rappelle à l’esprit le son qui frappe l’oreille. — Ad. Je suis complètement de cet avis.— Aug. Tu admets sans doute aussi, qu’en prononçant un nom nous désignons quelque chose ? — Ad. Sans doute.— Aug. Et que désignons-nous ? — Ad. L’objet même qui porte ce nom : ainsi Romulus, Rome, vertu, fleuve et le reste. — Aug. Est-ce que ces quatre noms ne signifient pas quelques objets ? — Ad. Certainement ils en signifient quelques-uns. — Aug. N’y a-t-il aucune différence entre ces noms et les objets qu’ils désignent ? — Ad. Il en est une grande.— Aug. Quelle est-elle ? je voudrais la savoir de toi. — Ad. La voici et elle est importante : c’est que ces noms sont des signes et non pas les objets. — Aug. Veux-tu, pour faciliter la discussion, que nous appelions signifiables les objets qui peuvent être désignés par des signes sans être signes eux-mêmes, comme nous appelons visibles ceux que l’on peut voir ? — Ad. J’y consens.

Aug. Mais ces quatre signes que tu viens de rappeler ne sont-ils pas indiqués par d’autres signes ? — Ad. Croirais-tu que j’aie déjà oublié ce que nous tenons de constater, que les caractères écrits sont les signes des mots proférés de vive voix ? — Aug. Quelle différence y a-t-il entre eux ? — Ad. C’est que les uns sont visibles et les autres ouïbles : pourquoi n’agréerais-tu point ce dernier terme, puisque nous avons admis celui de signifiables ? — Aug. Je l’admets et l’agrée volontiers. Mais ces quatre sigles qui sont comme tu viens de le rappeler, ne pourraient-ils être encore désignés par quelque signe ouïble ? — Ad. Effectivement je viens de le dire. J’avais répondu que le nom signifie quelque chose et j’avais cité en preuve, ces quatre exemples. Mais ces exemples aussi bien que le nom, sont des choses ouïbles, puisque la voix les prononce : je le reconnais. — Aug. Quelle différence y a-t-il donc entre un signe ouïble et les mots ouïbles qu’il désigne et qui sont aussi des signes ? — Ad. Entre ce que nous appelons le nom et les quatre exemples que j’ai cités, comme portant un nom, voici la différence que j’observe : Ce nom est un signe de signes ouïbles, tandis que les quatre exemptes sont bien aussi des signes ouïbles, mais non des signes de signes. Ils désignent les choses mêmes, soit Visibles, comme Ronfutus, Rome, fleuve ; soit intelligibles, comme vertu.

9. Aug. J’entends et j’approuve. Mais sais-tu que l’on appelle paroles tours Ils sans articulés que l’on émet pour signifier quelque chose ? — Ad. Je le sais.— Aug. Le nom est donc aussi une parole puisque c’est un son articulé destiné à signifier quelque chose ; et lorsque nous disons d’un homme éloquent qu’il emploie des paroles bien choisies, sans doute, il emploie les noms comme les autres ; et lorsque l’esclave de Térence répond à son vieux maître : De bonnes paroles, je t’en conjure ; il entendait aussi beaucoup de noms. — Ad. Je l’accorde. — Aug. Tu accordes donc que les syllabes que nous articulons en disant : Parole, désignent aussi un nom et ; que cette Parole, est le signe du nom ? — Ad. Oui. — Aug. Réponds encore à ceci : parole est signe de nom, nom est signe de fleuve, fleuve, signe d’un objet que peuvent voir nos yeux ; de plus tu as signalé quelle est la différence de cet objet au mot de fleuve qui en est le signe, et de ce signe au nom qui est le signe de ce signe ; dis-moi donc aussi ce qui distingue, à ton avis, le signe du nom que nous savons être la parole, et le nom même dont la parole est le signe. — Ad. Voici, selon moi, la distinction : ce que le nom désigne est également désigné par la parole, puisque nom est fille parole aussi bien que fleuve ; mais tout ce que désigne ta parole n’est pas également désigné par le nom. Ainsi ce premier moi, si, qui commence le vers cité par toi, et la préposition