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pour le maintien nécessaire de la discipline ecclésiastique. La correction par les prières nous touche nous-mêmes ; nous recommandons à la miséricorde de Dieu notre administration et nos conseils, et si quelque indignation a mordu notre cœur, nous prions Dieu de nous guérir de sa main droite comme avec un remède souverain. Voilà comment nous avons beaucoup corrigé, soit par les reproches, soit par les avertissements, soit par la prière.

3. Et maintenant, pour ne pas rompre le lien de la charité, et pour ne pas être possédé par Satan, dont nous connaissons les desseins, que devons-nous faire, si ce n’est de vous obéir, à vous, qui avez cru qu’il était impossible de réparer ce qui s’est passé autrement qu’en rendant à votre juridiction celui en qui vous vous plaignez qu’elle ait été blessée. Notre frère Carcédonius lui-même, après un vif mouvement de dépit, pour lequel je vous demande de prier pour lui, a consenti de bonne grâce à ce parti, parce qu’il a vu le Christ dans votre personne ; et, tandis que je me demandais s’il ne fallait pas retenir Timothée jusqu’à ce que je vous eusse envoyé une nouvelle lettre, c’est lui-même qui, craignant pour vous une nouvelle peine, a coupé court à ma discussion, et a non-seulement permis, mais demandé instamment que Timothée vous fût rendu.

4. Pour moi, frère Sévèxe, je remets ma cause à votre jugement, car je sais que le Christ habite dans votre cœur, et par le Christ, je vous demande de le consulter lui-même, lui qui gouverne votre âme qui lui est soumise ; demandez-lui si un homme qui avait commencé à lire dans mon église, non pas une fois, mais une seconde et une troisième fois, à Sousane où il accompagnait le prêtre de ce lieu, à Tours, à Cizan, à Verbal, ne peut pas, ne doit pas être regardé comme lecteur[1]. De même que nous avons réparé, comme Dieu le voulait, ce qui s’est fait malgré nous, ainsi réparez vous-même ce qui a été fait à votre insu : Dieu le veut également. Je ne crains pas que vous compreniez peu la brèche qui serait faite à la discipline ecclésiastique, si l’évêque d’une autre Église, qu’un clerc aurait juré de ne jamais quitter, lui permettait de rester avec lui, par la raison qu’il ne veut pas le rendre parjure. Assurément celui qui ne le souffrira

point, qui ne permettra point à ce clerc de demeurer auprès de lui parce que son serment n’a pu engager que lui-même, gardera la règle de paix, sans blâme possible de personne.

LETTRE LXIV.

(401.)

Saint Augustin répond à un prêtre accusé et qui se plaignait de n’être pas encore jugé ; il l’exhorte à ne pas lire aux fidèles dans l’église des Écritures non canoniques, afin de ne pas donner des armes aux hérétiques et surtout aux manichéens. – On ne doit pas s’imposer par la force au troupeau dont on a cessé d’être le pasteur.

AUGUSTIN A QUINTIEN, SON CHER FRERE ET COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Nous ne dédaignons pas de regarder les corps de moindre beauté, surtout quand nos âmes elles-mêmes n’ont pas encore atteint la beauté qu’elles auront plus tard ; nous l’espérons, lorsque celui qui est beau d’une manière ineffable et en qui nous croyons maintenant sans le voir, nous apparaîtra ; car nous serons semblables à lui lorsque nous le verrons comme il est[2]. Si vous voulez m’écouter de bon cœur et comme un frère, je vous exhorterai à entrer dans ces sentiments et à ne pas croire votre âme assez belle ; mais, selon le précepte de l’Apôtre, réjouissez-vous dans votre espérance et faites ce qu’il ajoute : « Réjouissez-vous dans votre espérance, dit-il, soyez patients dans les tribulations[3]. Nous ne sommes sauvés qu’en espérance. » Et il dit encore : « L’espérance qui se voit n’est pas une espérance ; ce qui se voit, qui l’espère ? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience.[4] » Que cette patience ne défaille point en vous, attendez le Seigneur dans une bonne conscience. Agissez avec courage, que votre cœur prenne une nouvelle force, et soyez ferme dans l’attente du Seigneur[5].

2. Il est bien clair que si vous veniez vers nous, sans être encore en communion avec le vénérable évêque Aurèle, vous ne pourriez pas non plus être en communion avec nous ; nous garderions dans cette conduite la même charité qu’il garde certainement lui-même. Votre arrivée ici ne nous serait pas pour cela incommode ;

  1. Le concile de Milève trancha cette question le 27 août 402. Quiconque aura lu, même une seule fois, dans une église, ne doit pas être retenu par une autre église.
  2. I Jean, III, 2
  3. Rom. XII, 12
  4. Ibid. VIII, 24, 25
  5. Ps. XXXI, 20.