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qui représente un admirable mystère, comme d’autres nombres dans l’Écriture. Ce n’est pas sans raison que le psaume dix-septième est le seul qui se lise tout entier dans le livre des Rois[1], car il figure ce royaume où nous n’aurons plus d’adversaires. Le titre porte que David le chanta le jour où le Seigneur le délivra de la main de tous ses ennemis, et de la main de Saül. Qui est représenté par David, sinon Celui qui, selon la chair, sort de la race de David [2] ? Et parce que dans son corps, qui est l’Église, il souffre encore des ennemis, lorsqu’il immola de la voix son persécuteur et se l’incorpora en quelque sorte, il lui cria du haut du ciel avec l’éclat du tonnerre : et Saul, Saul ! pourquoi « me persécutes-tu ?[3] » Quand ce corps du Seigneur sera-t-il délivré de la main de tous ses ennemis, si ce n’est quand la dernière ennemie, la mort, sera détruite ? Ce temps suprême nous est représenté par le nombre de cent cinquante-trois poissons ; car ce même nombre dix-sept, se levant en triangle, réunit celui de cent cinquante-trois. En comptant d’un à dix-sept, ajoutez tous les nombres intermédiaires, et vous trouverez qu’un et deux font trois, et trois font six, et quatre font dix, et cinq font quinze, et six font vingt et un ; ajoutez les autres nombres jusqu’à dix-sept, et vous aurez cent cinquante-trois.

32. Ce que je vous ai dit pour Pâques et la Pentecôte, est solidement établi sur l’autorité des Écritures. Quant à l’observation du carême avant Pâques, elle est fortement appuyée par la coutume de l’Église, ainsi que l’usage de distinguer tellement des autres jours les huit jours des néophytes, que le huitième réponde au premier. La coutume de ne chanter l’Alleluia que durant les cinquante jours entre Pâques et la Pentecôte n’est pas universelle ; dans beaucoup d’endroits on le chante en d’autres jours, mais partout on le chante depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte. J’ignore si c’est partout qu’on prie debout dans ce temps-là ; mais ce que je vous ai dit, comme j’ai pu, de cette pratique, me paraît évidemment l’expression de la pensée de l’Église.

33. Quant au lavement des pieds, recommandé par le Seigneur comme un exemple de cette humilité qu’il était venu enseigner, ainsi que lui-même l’exposa après avoir accompli cette grande action, on demande quel est le temps le meilleur pour le renouveler ; et le meilleur temps qui se présente est celui où la divine recommandation qui en fut faite devait toucher plus religieusement le cœur. Mais pour qu’il ne parut pas faire partie du sacrement de baptême, après l’avoir établi, beaucoup ont refusé d’adopter cette époque ; quelques-uns même n’ont pas craint d’y renoncer, après l’avoir trouvée établie, d’autres, enfin, pour rendre la cérémonie plus recommandable par la sainteté du temps et pour la distinguer du baptême, l’ont fixée ou au troisième jour de l’octave, à cause de l’excellence du nombre trois dans beaucoup de nos mystères, ou même au dernier jour.

34. Je m’étonne que vous me demandiez de vous écrire quelque. chose sur la diversité des usages religieux en beaucoup de pays ; ceci n’est pas nécessaire ; et la bonne règle à suivre est celle-ci : ce qui n’est ni contre la foi, ni contre les mœurs, et porte en même temps à une vie meilleure, nous devons non-seulement ne pas le désapprouver, partout où nous le voyons établir ou établi, mais le louer et l’imiter, si la faiblesse de quelques-uns n’y met point obstacle et n’expose pas à faire plus de mal que de bien. Car, s’il y a plus d’avantages à espérer en faveur des âmes bien disposées que de préjudices à redouter pour les mécontents, il faut suivre sans hésitation l’usage établi, surtout lorsqu’il est autorisé par les Écritures, comme le chant des hymnes et des psaumes : en quoi nous avons les préceptes du Seigneur lui-même, les témoignages et les exemples des apôtres. Sur cette pratique éminemment utile pour exciter pieusement le cœur et allumer le feu du divin amour, il y a diversité de coutumes, et l’Église d’Afrique, sur ce point, nous laisse voir bien des négligences et des langueurs ; aussi, les donatistes nous reprochent de chanter sobrement, dans l’Église, les cantiques des prophètes. Il est vrai qu’eux-mêmes pratiquent, à leur manière, la sobriété, et s’excitent par le vin à chanter des psaumes de leur composition, comme on se ranimerait par le son des trompettes. Quand les chrétiens sont réunis dans l’église, ne faut-il pas chanter toujours les saints cantiques, excepté lorsqu’on prêche, ou qu’on lit, lorsque l’évêque prie à haute voix, ou que la prière commune est annoncée de la bouche du diacre ? Car dans le resté du temps je ne vois rien de meilleur, de

  1. II Rois, XXII, 2-51
  2. Rom. I, 3
  3. Act. IX, 4.