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l’avoir atteint[1]. » Mais parce que notre espérance est une sûre promesse de la vérité même, après avoir dit que nous sommes ensevelis par le baptême dans la mort, il ajoute ces mots : « Afin que, comme le Christ est ressuscité d’entre les morts pour la gloire de son Père, nous marchions dans une vie nouvelle[2]. » Nous marchons donc dans la peine, mais dans l’espérance du repos ; dans la chair du vieil homme, mais dans la foi d’une vie nouvelle. Car il est dit : « Le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit est vivant à cause de la justice. Or si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à nos corps mortels par son Esprit qui habite en vous[3]. »

27. Voilà, d’après l’autorité des divines Écritures, et du consentement de toute l’Église, répandue dans le monde entier, ce qui se célèbre dans la solennité de Pâques ; et, comme vous le voyez, c’est un grand mystère. Les anciennes Écritures ne prescrivent aucun temps pour la célébration de la pâque, et se bornent à la placer dans le mois du renouvellement, depuis le quatorzième jusqu’au vingt et unième de la lune ; mais comme nous voyons clairement par l’Évangile en quel jour le Seigneur a, été crucifié, en quel jour il a été enseveli, en quel jour il est ressuscité, les conciles des Pères ont ajouté aux observations anciennes l’observation de ces jours-là, et tout l’univers chrétien est persuadé qu’il faut célébrer ainsi la pâque.

28. Le jeûne de quarante jours est autorisé dans les anciennes Écritures par le jeûne de Moïse et d’Élie[4], et dans l’Évangile qui nous montre le Seigneur jeûnant quarante jours[5] : preuve que l’Évangile ne diffère pas de la loi et des prophètes. Car la personne de Moïse nous représente la loi ; celle d’Élie, les prophètes ; et, au milieu d’eux, le Sauveur apparut avec gloire sur une montagne, pour mieux faire éclater ce que l’Apôtre dit de lui : « Recevant témoignage de la loi et des prophètes[6]. » Or, en quelle partie de l’année pouvait être mieux placée l’observation de cette quarantaine qu’aux approches de la passion du Seigneur ? Car la passion nous retrace une image de cette laborieuse vie, où l’abstinence est nécessaire pour renoncer à l’amour du monde, aux fausses caresses et aux trompeurs enchantements dont le monde nous poursuit sans cesse. Le nombre de quarante me semble représenter cette vie elle-même. J’y vois d’abord exprimé le nombre dix dans lequel se trouve la perfection de notre béatitude, comme dans le nombre huit qui revient au premier. En effet, la créature, figurée par le nombre sept, s’attache au Créateur en qui éclate l’unité de la Trinité qui doit être annoncée dans tout l’univers. Or, cet univers est livré aux quatre vents, soutenu par les quatre éléments, et varié par le retour des quatre saisons de l’année. Mais quatre fois dix font quarante, et quarante, divisé par ses quatre parties, donne un nouveau chiffre de dix : ajoutez-le et vous obtenez cinquante : récompense du travail et de l’abstinence. Car ce n’est pas sans raison que le Seigneur, après sa résurrection, a conversé sur cette terre et dans cette vie avec ses disciples durant quarante jours, et que dix jours après qu’il est monté au ciel, il a envoyé l’Esprit-Saint qu’il avait promis, le jour de la Pentecôte. Ce nombre cinquante figure ici un autre mystère, car sept fois sept[7] font quarante-neuf, et, en revenant au premier comme le septième y revient pour former le huitième, vous obtenez le complément des cinquante jours qui se célèbrent après la résurrection du Seigneur, non pas comme symbole des labeurs pénibles, mais comme image du repos et de la joie ; c’est pourquoi nous ne jeûnons plus alors, et nous prions debout en témoignage de la résurrection ; cela s’observe tous les dimanches à l’autel, et on chante Alleluia, ce qui signifie que notre future occupation dans le ciel sera de louer Dieu, selon qu’il est écrit : « Heureux ceux qui habitent dans votre maison, Seigneur l ils vous loueront dans les siècles des siècles[8]. »

29. Le cinquantième jour est aussi recommandé dans les Écritures, non pas seulement dans l’Évangile qui annonce la venue de l’Esprit-Saint, mais aussi dans les anciens livres sacrés. Là, en effet, après la pâque célébrée par l’immolation de l’agneau, on compte cinquante jours jusqu’à celui où, sur le mont Sinaï, Moïse, serviteur de Dieu, reçut la loi écrite avec le doigt de Dieu : or l’Évangile nous apprend que le doigt de Dieu signifie l’Esprit-Saint. Un évangéliste fait dire au

  1. Philip. III, 13
  2. Rom. VI, 4
  3. Rom. VIII, 10, 11
  4. Exod. XXXIV, 28 ; III Rois, XIX, 8
  5. Matt. IV, 2
  6. Rom. III, 21
  7. Les sept dons du Saint-Esprit.
  8. Ps. LXXXIII, 5