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DEPUIS LA CONFÉRENCE DE CARTHAGE JUSQU’A SA MORT. 515 sacrifice ; l’Apôtre l’a exprimé brièvement en ces mots : « Nous ne sommes tous qu’un seul « pain et qu’un seul corps*.» Par ce chef, nous sommes réconciliés à Dieu parce qu’en lui la divinité du Fils unique a participé à notre mortalité, afin que nous-mêmes nous partici- pions à son immortalité. 2i. Ce mystère est loin du cœur des sages orgueilleux : à cause de cela ils ne sont pas chrétiens, et dès lors ils ne sont pas véritable- ment sages. J’entends même les sages qui ont connu Dieu, » parce que connaissant Dieu, se- « Ion les paroles de rA[)ôtre, ils ne l’ont pas « glorifié comme Dieu et ne lui ont point rendu « grâces ^ » Vous connaissez dans quel sacrifice on dit : « Rendons grâces au Seigneur notre « Dieu ; » qu’il y a loin de l’humilité de ce sacrifice à leur orgueil et à leur fausse éléva- tion ! C’est donc une chose admirable que Dieu habite en plusieurs qui ne le connaissent pas encore et n’habite pas en plusieurs qui le con- naissent. Ceux-ci n’appartiennent point au temple de Dieu, parce que, connaissant Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont pas rendu grâces ; et les enfants sanc- tifiés par le sacrement du Christ, régénérés par le Saint-Esprit, sans être arrivés à l’âge où ils peuvent connaître Dieu , appartiennent à son temple ; ainsi les uns n’ont pas eu ce Dieu qu’ils ont pu connaître, et les autres ont pu l’avoir avant qu’ils l’aient connu. Les bien- heureux sont ceux pour qui posséder Dieu c’est le connaître : cette connaissance est la plus parfaite, la plus véritable, la plus heu- reuse. 22. Ici se présente la question que vous avez ajoutée à la fin de votre lettre, après même votre signature : « Si, dites-vous , les entants «ne connaissent pas encore Dieu, comment « Jean, avant sa naissance, a-t-il pu tressaillir « dans le sein de sa mère, aux approches et en « présence de la Mère du Seigneur ? » Après avoir dit que vous avez lu mon livre sw le Baptême des E ?ifants,ovs n’ioidez : «Je désire « savoir ce que vous pensez des enfants encore c< enfermés dans le sein maternel, à l’occasion « du témoignage que la mère de Jean-Baptiste « rendit à la foi de son fils. » 23. Voici les vraies paroles d’Elisabeth, mère de Jean : « Vous êtes heureuse entre toutes les « femmes, et le fruit de vos entrailles est heu- « reux. Et d’où me vient que la Mère de mon ♦ I Cor. X, 17. — ’ Rom. i, 21. « Seigneur s’approche de moi ? Car voici que, « dès que la voix de votre salutation est arrivée « à mes oreilles, l’enfant a tressailU de joie « dans mon sein K » Pour dire ces choses, Elisabeth fut remplie du Saint-Esprit, comme l’a précédemment marqué l’Evangeliste , et le Saint-Esprit lui apprit, sans doute, ce que signifiait ce tressaillement de l’enfant ; c’est-à- dire qu’elle connut que celle qui était venue était la mère de celui que son fils devait pré- céder et montrer. Cette signification d’une grande chose a pu être réservée à la connais- sance des grands et n’être pas connue de l’en- fant ; car l’Evangile en rapportant le fait, ne dit pas que l’enfant ait cru dans le sein de sa mère, mais seulement qu’il « tressaillit ; » Elisabeth ne dit pas non plus : l’enfant a tres- sailli dans mon sein par un mouvement de foi, mais : « 11 a tressailli de joie. » Nous voyons tressaillir ainsi, non-seulement des enfants, mais encore des bêtes, sans que cela vienne de la foi ou de la religion, ou de quoi que ce soit de raisonnable. Mais ce mouvement fut inaccoutumé et nouveau, parce qu’il eut lieu dans le sein maternel et à l’arrivée de celle qui devait enfanter le Sauveur des hommes. C’est ce qui en fait la merveille, c’est ce qui doit la faire compter au nombre des grands signes ; ainsi ce tressaillement, cette sorte de salut rendu à la Mère du Seigneur, n’a pas été un acte humain accompli par un enfant, mais un prodige opéré par la volonté de Dieu. 24. Lors même que l’usage de la raison et de la volonté eût été avancé dans cet enfant, de manière à pouvoir, dès le sein maternel, con- naître, croire et vouloir, ce qui chez d’autres enfants n’arrive qu’avec l’âge ; il faudrait égale- ment n’y voir qu’un miracle de la i)uissance de Dieu, et non un exemple ordinaire de la nature humaine. Quand Dieu l’a voulu, il a fait parler raisonnablement même un animal muet ^ ; il ne nous exhorte pas pour cela à prendre conseil des ânes dans nos délibérations. C’est pourijuoi je tiens compte de ce (jiii est arrivé à saint Jean, mais je ne le prends pas pour règle de ce qu’il faut penser des enfants ; et c’est précisément parce que je ne rencontre rien de pareil chez d’autres (pie l’exemple de saint Jean me paraît miraculeux. La lutte des deux jumeaux dans le sein de Rebecca, olfrirait quelque chose île semltlable ; mais cela aussi fut un prodige, si bien que Rébecca en » Luc, I, 4 :!, 41. — ’ Nomb. xxil, 28,