Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/522

Cette page n’a pas encore été corrigée

MA LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — TROISIÈME SERIE. entier et également présent, non-seulement à l’universalité de ce qui est, mais même à cha- cune de ses parties. On dit que ceux là sont loin de lui, qui, en péchant, lui sont devenus très-dissemblahles, et que ceux-là sont près de lui, qui, en vivant pieusement, se rapprochent de son image. On dit de même avec raison que les yeux sont d’autant plus loin de la lu- mière qu’on est plus aveugle. Quoi en effet de plus éloigné de la lumière que la cécité, lors même que la lumière est là et qu’elle inonde des yeux éteints ? Mais on dit avec vérité (jue des yeux se rapprochent de la lumière lors- qu’en guérissant ils se fortifient. 18. Pour nous bien faire comprendre quand nous avons dit ([ue Dieu est tout entier par- tout, nous avons ajouté que c’est oi lui-même ; mais ceci encore demande plus d’explication. — Comment Dieu est-il partout s’il est en lui- même ? — 11 est partout j)arce qu’il n’est ab- sent de rien. Il est dans lui-même parce qu’il n’est pas contenu par les lieux et les choses où il est présent, comme s’il ne pouvait pas être sans cela. Otez aux corps l’espace, ils ne seront nulle part, et parce qu’ils ne seront nulle part, ils n’existeront plus. Otez aux qualités des corps ces corps mêmes, il n’y aura plus de place pour elles, et dès lors nécessairement elles ne sont plus. Lors(|u’un corps, dans toute son étendue, est également sain ou également blanc, il n’y a pas plus de santé ou plus de blancheur dans une partie (^ue dans une autre, et il n’y en a pas plus dans son tout que dans sa partie, parce qu’il est certain que la partie est aussi saine et aussi blanche que le tout. Mais si un corps est inégalement sain ou inégalement blanc, il peut se faire qu’il y ait plus de santé ou de blancheur dans une moindre partie, si les plus petits membres sont plus sains ou plus blancs ([ue les plus grands : quand il s’agit de (lualité, le grand ou le petit ne consiste pas dans l’étendue. Cependant si on ôte tout à fait le corps, qu’il soit grand ou petit, ses (jualités n’ont plus leurs moyens d’être, quoiqu’elles ne se mesurent pas au volume. Mais Dieu n’est pas moindre si celui à (jui il est présent est moins capable de le recevoir ; car il est tout entier en lui même, et n’a |)as besoin de ce qu’il habite pour exister. De la même manière (ju’il n’est point absent de celui en qui il n’ha- bite [)as, et il y est même tout entier présent quoiqu’il n’habite point en lui ; ainsi il est tout entier présent à ceux en qui il habite quoi- qu’ils ne puissent pas le contenir tout entier. 10. Dieu en effet ne se partage pas dans les cœurs ou les corps des hommes, donnant à celui-ci une part, à celui-là une autre part de lui-même, comme la lumière, par les entrées et les fenêtres des maisons : il est plutôt comme le son. Un son, qui est queUiue chose de cor- porel et de passager, n’est pas entendu d’un sourd ; il ne l’est pas tout entier de celui qui a l’oreille dure ; parmi ceux qui ont l’ou’ie bonne et à distance égale du son, les uns l’entendent mieux, les autres moins, selon le plus ou moins de finesse de leur oreille, quoique le son ne varie pas en intensité et qu’il arrive également à tous là où ils se trouvent : combien plus ex- cellemment Dieu, dans sa nature incorporelle et inunuablement vivante, n’étant ni sujet au temps ni divisible comme le son, et n’ayant pas besoin de l’air pour arriver jusqu’à nous, mais demeurant en lui-même par une stabilité éternelle, peut se rendre présent tout entier à toutes choses et tout entier à chacune, quoique ceux en qui il habite et dont sa grâce fait un temple qu’il aime, le possèdent selon la diffé- rence de leur capacité, les uns plus, les autres moins ! 20. L’Apôtre a parlé de la diversité des dons ’ départis aux membres d’un seul corps, où nous formons un même temple tous ensemble, et où chacun de nous est un temple ; car Dieu n’est pas plus grand dans tous que dans cha- cun ; et souvent il arrive qu’un seul le possède bien plus que plusieurs. Mais après avoir dit : « Les dons sont différents, » saint Paul ajoute aussitôt : « Il n’y a qu’un seul et même Es- « prit ; » et aussi, quand il a énuméré les dons divers, « c’est un seul et même Esprit, dit-il, « qui opère toutes ces choses, distribuant à « chacun ces dons comme il lui plaît *. » Le Saint-Esprit partage donc ses dons sans se par- tager lui-même, parce qu’il est un et toujours le même. Cette diversité est comme la diver- sité des membres du corps ; les oreilles ne ser- vent point au même usage que les yeux ; il en est de môme des autres membres du corps qui rem [dissent dans un parfait accord des fonc- tions différentes. Mais lorsque nous nous por- tons bien, la diversité de nos organes ne les empêche pas de jouir d’une égale santé, sans qu’il y en ait plus ou moins dans tel membre plutôt que dans tel autre. Le Christ est le chef de ce corps dont l’unité est marquée par notre ’ I Cor. xu, 4. — " Ibid, xil, 4, 11.